Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mémoire foudroyant, rédigé, dit-on, par l’abbé de Lamennais, fut publié à cent mille exemplaires et à cinq centimes pièce ; plus d’un prélat menaça d’une résistance ouverte ; enfin l’archevêque de Toulouse, sommé de répondre aux renseignemens qui lui étaient officiellement demandés, fit insérer dans le journal de son diocèse la lettre suivante :


« Monseigneur,


« La devise de ma famille, qui lui a été donnée par Calixte II en 1120, est celle-ci :

« Etiam si omnes, ego non.

« C’est aussi celle de ma conscience.

« j’ai l’honneur d’être avec la plus respectueuse considération qui est due au ministre du roi, etc. »


Le roi se tint pour personnellement offensé de cette missive insolente ; il fit défendre audit archevêque de se présenter devant lui jusqu’à nouvel ordre; mais pour en finir avec les criailleries, il prit le bon moyen : il s’adressa directement au saint-siège. M. Lasagni, conseiller à la cour de cassation, Romain d’origine et l’une des meilleures provenances qui nous soit restée de la réunion des états romains sous l’empire, fut chargé, à ce sujet, d’une mission confidentielle ; c’était un homme d’un esprit rare, un jurisconsulte de premier ordre, un catholique sincère et sensé. Il réussit sans beaucoup de difficulté. Le pape déclara volontiers « qu’il ne voyait rien dans ces ordonnances qui faisaient tant de bruit qu’on pût regarder comme une atteinte portée aux pouvoirs épiscopaux ; qu’il entendait les maintenir quant à l’enseignement des séminaires, mais qu’il ne prétendait point imposer au gouvernement français des congrégations interdites par les lois de France, » et M. le cardinal de Latil, archevêque de Reims, fut chargé d’informer ses vénérables confrères que « Sa Sainteté, persuadé du dévoûment sans réserve des évêques de France envers Sa Majesté ainsi que de leur amour pour la paix, et tous les autres intérêts véritables de la religion, avait fait répondre que les évêques devaient se confier dans la haute piété et la sagesse du roi pour l’exécution des ordonnances et marcher d’accord avec le trône. »

Je ne dirai qu’un mot de l’acte d’accusation lancé, le 18 juin, après beaucoup d’hésitations, de menaces et reculades, contre l’ombre en déroute du ministère Villèle. Ce ne fut, au vrai, qu’une lubie d’extrême gauche, une sorte d’olla podrida de tous les pamphlets, de tous les articles, de toutes les diatribes qui traînaient depuis deux ou trois ans dans les échoppes, dans les estaminets,