Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/541

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chambres ; M. de La Ferronays s’y fit, pour la seconde fois, grand honneur, et le nouveau gouvernement de la Grèce y trouva un nouvel encouragement.

Presque au même moment, le premier héros, le premier martyr de cette cause, le prince Alexandre Ipsilanti, lancé d’abord en enfant perdu par l’empereur Alexandre, puis abandonné par lui, mourait à Vienne, après avoir subi sept ans de captivité. (Deux ans dans la forteresse de Mongatz en Hongrie, cinq ans dans celle de Theresienstadt en Bohême.) Il venait à peine d’obtenir sa liberté, sous l’expresse condition de ne pas quitter la résidence qui lui était assignée par le gouvernement autrichien. On voit par là quel aurait été le sort de M. de La Fayette sans l’intervention du général Bonaparte.

Vint enfin la loi sur la presse : la loi sur la presse, cette épreuve et cet écueil de toute administration à son coup d’essai, ce chef-d’œuvre exigé pour passer maître, et plus exigé cette fois que de coutume, puisque force était de laver le linge sale du ministère congédié.

C’était là que le nouveau était attendu, — attendu par ses adversaires et par ses amis, lesquels n’étaient pas les moins exigeans, comme on le va voir; mais, avant tout, quelques lignes sur cette proposition Conny, dont je n’ai fait qu’indiquer en passant l’origine et l’objet.

Née, on ne sait trop à quel propos, dans le camp ennemi, elle n’en était pas pour cela plus mauvaise, et, nous, libéraux, nous aurions été de grands sots d’en faire fi. Aussi n’en fîmes-nous point, et l’accueil qu’elle reçut dans la chambre élective fut tel, que le ministère, supposé qu’il en eût la fantaisie, n’eut garde de s’y brûler les doigts. Il n’avait d’ailleurs aucun besoin de se commettre pour l’écarter; il pouvait compter sur notre chambre, fort peu friande d’innovations libérales, et presque aux regrets d’avoir adopté la loi sur les listes d’électeurs. Il n’avait qu’à la laisser faire, et quand la proposition nous fut portée, il ne se trouva qu’une poignée, voire même qu’une pincée de doctrinaires à outrance pour la soutenir. Nous fîmes pourtant bonne mine à mauvais jeu ; je défendis, mordicus, dans mon bureau, le thème en désarroi ; je fus nommé commissaire pour la rareté du fait; je renouvelai le combat dans la commission, où j’étais à peu près seul de mon bord; je livrai enfin la bataille à fond dans la chambre, où mon discours eut un plein succès, sauf les boules, et, maintenant, en le relisant, je trouve encore qu’il était plus facile d’ameuter contre moi des boules que des raisons.

Ce discours pourrait prouver une fois de plus jusqu’à quel point on pouvait porter, dans une chambre aussi timorée mais aussi