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siège. On ne pouvait défendre la rive gauche du Tibre, elle n’était protégée que par un mur d’enceinte. Si les garibaldiens avaient payé d’audace, ils auraient pu de ce côté, sans coup férir, pénétrer dans la ville. Tous les efforts de la défense étaient portés sur la rive droite, où les fortifications de la cité Léonine permettaient la résistance. On se demandait avec anxiété si notre corps expéditionnaire arriverait à temps, on supputait les heures de la traversée, on craignait une nouvelle déception après les contre-ordres qui, à deux reprises déjà, avaient arrêté l’embarquement de nos troupes. Le 27 au soir, toutes les craintes tombaient subitement : on venait de signaler une frégate en vue de Civita-Vecchia ; l’état de la mer et l’obscurité l’empêchaient d’entrer dans le port. Le lendemain, le corps expéditionnaire était débarqué, et le 30 son avant-garde entrait dans Rome. Il n’était que temps ! C’était pour la seconde fois que l’armée française accourait au secours de la papauté. En 1849, elle chassait la révolution du Vatican, en 1867, elle l’empêchait d’y entrer. Mais, en 1849, elle défendait du même coup l’Italie en conjurant une occupation des états romains par l’Autriche, tandis qu’en 1867 elle défendait les états du saint-siège contre l’Italie, l’alliée de la révolution.

La cour de Rome échappait à un grand péril, et elle le devait à notre intervention ; notre chargé d’affaires s’attendait aux manifestations chaleureuses de sa reconnaissance, c’est à peine s’il recueillit quelques mots de remercîmens. Le cardinal Antonelli était trop avisé pour se faire illusion sur la portée de notre assistance ; il savait qu’elle n’avait rien de spontané, qu’elle nous était commandée par d’impérieuses nécessités, et qu’elle était un suprême et dernier effort de notre bon vouloir. M. de Moustier d’ailleurs, dans une circulaire adressée à ses agens, déterminait le caractère et la durée de notre intervention. Il annonçait que nos troupes se réembarqueraient dès que l’ordre serait rétabli dans les états du saint-siège et que le gouvernement de l’empereur s’en remettrait à l’entente et à l’action collective des puissances catholiques pour assurer dorénavant au souverain pontife son indépendance temporelle. Ce n’était pas ce qu’on rêvait au Vatican.

Il est aisé de trouver des ministres dans les temps prospères, mais, aux heures de crise, lorsque le pouvoir est un danger, les ambitieux se dérobent. Victor-Emmanuel depuis huit jours cherchait en vain des conseillers ; il n’essuyait que des refus. « M’abandonnerez-vous comme tout le monde, disait-il au général Menabrea ? » Son appel s’adressait à un homme de devoir. Le général Menabrea n’hésita pas : le salut de la couronne et de l’Italie étaient en jeu, il accepta la tâche ingrate, périlleuse, de former