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ou cinq. S’il ne le fait pas, c’est une question de prix et aussi une question d’habitude. Il suffit que les prix s’abaissent et qu’un certain temps se passe pour que de nouvelles habitudes se contractent, et l’on verra qu’il n’y a pas trop de maisons pour la population de Paris. De même pour les étoffes, pour le sucre, pour le café, pour tout ce qui est de consommation personnelle, on ne peut dire que la production en soit absolument trop forte, seulement le prix de revient peut en être trop élevé ; et, d’autre part, ne fût-il pas trop élevé, il faut du temps pour que de nouvelles habitudes se répandent. L’homme qui est arrivé à cinquante ou soixante ans sans avoir dans sa chambre d’autre tapis qu’une descente de fit et dans son salon qu’une carpette, a besoin d’un certain délai avant de se décider, même les prix eussent-ils baissé, à se meubler d’une façon plus confortable. Les périodes de bas prix, de prix-courant au-dessous du prix du revient, doivent revenir à intervalles plus ou moins réguliers dans une société très progressive. Elles ont leur utilité : c’est de ramener, par un examen attentif et un grand effort, plus d’économie dans la production et de susciter, en outre, des habitudes nouvelles. Quand on parle de l’excès de production, il faut bien distinguer ces deux classes très différentes de produits : la première se compose des objets dont l’homme ne fait pas une consommation personnelle, comme les machines, les rails et les instrumens divers, et comprend encore même les objets destinés à une consommation personnelle, mais dont le besoin est strictement limité par la nature des choses ; les cercueils, les berceaux, même les lits, sont les exemples typiques de ces articles dont la consommation n’est pas aisément extensible en quantité. Pour cette première catégorie d’objets, il peut y avoir d’une façon absolue, dans toute la force du mot, un excès de production. Il n’en est pas de même pour la seconde classe de produits, qui est de beaucoup la plus nombreuse, celle qui est destinée aux consommations si variées de l’homme. Ici l’offre ne peut pas dépasser d’une manière absolue et définitive les besoins et les désirs : l’embarras, le défaut d’écoulement, ne peuvent être que momentanés ; ils viennent non pas de ce que l’on a trop produit, mais de ce que l’on a produit trop chèrement, de façon que la population, tout en ayant le désir d’acheter, n’en a pas les moyens ; ou bien encore de ce que l’on a produit des objets qui répondent bien à un besoin naturel à l’homme, mais qui supposent que de nouvelles habitudes devront être contractées, ce qui prend toujours du temps.

On dit fréquemment des enfans ou des adolescens qu’ils ont trop grandi : l’expression n’est pas exacte et devrait être complétée, car personne ne désirerait qu’ils revinssent, si cela était possible, à une taille inférieure ; on entend simplement qu’ils ont grandi trop vite