Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Londres par tonne est dans la période de 1881 à 1884 singulièrement supérieure au prix des périodes antérieures ; elle restait en moyenne à 84 livres sterling (2,100 francs) contre 79 livres sterling de 1871 à 1880 et 56 livres sterling de 1841 à 1850. Les peaux se cotent aussi plus cher dans la dernière période quinquennale (64 shillings le centner) que pendant les années 1861 à 1870 (59 shillings). Il est même tel article naturel dont le prix a notablement haussé : le poivre, par exemple, qui se vend 56 shillings le centner de 1881 à 1884, contre 48 shillings dans la période décennale antérieure et 37 shillings dans celle de 1861 à 1870.

Le lecteur nous excusera d’être entré dans ces détails ; il est nécessaire en pareille matière d’être précis et l’on ne peut arriver à la précision qu’avec une nomenclature de chiffres. On voit combien il s’en faut que tous les prix aient fléchi de moitié ou même d’un tiers depuis quinze ou vingt ans. La tendance à la baisse est dominante, mais les exceptions sont nombreuses et surtout importantes. Elles le deviennent davantage si, au lieu de s’en tenir au prix des choses, on se reporte à celui des services humains. Là, la hausse est générale depuis quinze et vingt ans. Qu’il s’agisse des professions libérales ou de celles réputées autrefois serviles, on voit que les émolumens, les traitemens, les salaires, les gages se sont élevés et que si, depuis deux ou trois ans, ils restent stationnaires, on n’aperçoit aucun signe de recul sérieux. Nous voudrions prier ceux qui soutiennent que tous les prix se sont avilis de moitié, d’essayer de baisser de 50 pour 100 ou même de 25 les gages de leurs domestiques ou les honoraires de leur médecin, de leur avocat, d’un peintre de portraits, etc. La discussion du budget dans tous les pays proteste contre cette prétendue universelle baisse des prix, car il n’y est jamais question que d’augmenter le traitement des petits fonctionnaires, facteurs, cantonniers, maîtres d’écoles. Or, comme le prix des services humains contribue autant que le prix des choses à constituer le prix général de la vie, on voit ce qui reste de cette observation superficielle que tout a baissé de moitié ou d’un tiers. Il est cependant évident que si la cause de la crise actuelle était l’augmentation de la valeur de l’or, tous les prix sans exception auraient dû en subir l’influence ; la valeur des services humains aurait dû s’en ressentir aussi et décliner dans des proportions importantes, et l’on ne voit rien de pareil.

Il faut chercher une autre cause ou plutôt d’autres causes à la baisse des prix des marchandises et il n’est pas difficile à tout bon observateur dépourvu de parti-pris d’arriver sur ce point à une solution précise. Il suffit de remarquer que l’on rencontre dans tous les objets dont le prix a fléchi ces deux circonstances : que la production en est devenue singulièrement plus abondante et que les