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loi et les prophètes ; si l’Angleterre nous fait défaut, le cas n’existe point. »

La conférence eut lieu le 27 août, entre Calonne, Spielmann et Bischoffswerder. Calonne était un politique brouillon, médiocre et infatué ; mais il avait l’esprit de cour, il se connaissait en intrigue et, s’il manquait de l’instinct des grandes choses, il possédait un flair très aiguisé pour les petites. Il ne se laissa point prendre aux subtiles roueries des Allemands. Il jugea la déclaration « rédigée en termes si vagues, dans des phrases si ambiguës, que l’effet en serait évidemment nul. » Il se mit alors à en discuter le texte et batailla pour y introduire quelque amendement qui en changerait le sens et la portée. Il se trouvait aux prises avec des interlocuteurs insinuans, tenaces, féconds en expédiens et riches d’échappatoires. Comme ils objectaient toujours, il s’anima. « Il a été emporté et étourdi, racontait l’empereur. Quand on le contrariait, il disait : — Ah ! il me vient une idée subite. — Et c’était une nouvelle folie ! » On disputa en particulier sur la dernière phrase, celle des armemens. Réduit pour toute créance à ce billet sans cause certaine et sans échéance fixe, Calonne s’évertuait à le commenter de façon à en tirer l’engagement, de la part des souverains, de mettre toutes leurs troupes sur le pied de guerre et d’entreprendre une campagne d’hiver. Malgré « l’incroyable emportement » qu’il y mit et l’intervention non moins vive du comte d’Artois, qui vint à la rescousse, les Allemands ne cédèrent point d’une ligne. Ils déployèrent autant d’entêtement à défendre leur texte que les Français en montraient à l’attaquer. Ils l’emportèrent de haute lutte : la déclaration fut signée le 27 août avec tous les sous-entendus, toutes les réticences, et toutes les restrictions qui, dans la pensée des signataires, la rendaient insignifiante.


VII

C’était un échec complet pour les émigrés ; mais ils n’étaient pas gens à se déconcerter d’un refus. Ils étaient pleins de ressources pour la politique de contenance. Ils prirent le parti d’annoncer, à tout le monde comme un traité d’alliance le congé que l’on venait de leur signifier en forme diplomatique. Ils se plaignaient naguère de l’incertitude de la déclaration ; ils s’aperçurent que cette ambiguïté qui les offusquait tant, pouvait tourner à leur avantage. Ils s’employèrent à regagner par le commentaire ce qu’on leur refusait par le texte, et s’attachèrent à circonvenir les souverains allemands afin d’autoriser par une faveur simulée de ces princes le bruit qu’ils répandaient de leurs prétendues promesses.