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Il profitait de ses excursions ou de ses séjours en Égypte, en Palestine, à Tunis, sur les rives méditerranéennes, pour écrire tous ces livres, — Cinq Mois au Caire, Voyage en Syrie, Stations d’hiver de la Méditerranée, — œuvres d’observation fine et aimable, où en parlant de l’Orient le voyageur ne cessait de songer à la France. L’étude de la politique extérieure, du rôle de la France dans le monde était son goût, l’occupation préférée de son esprit ; mais en même temps, il suivait avec attention nos affaires intérieures et, au milieu de tous ses autres travaux, il publiait par intervalles ces Lettres de province qui ont été réunies, il n’y a que quelques semaines, sous ce titre significatif : Nos Fautes ! Ces lettres vont de 1879 aux derniers mois de 1885 : elles embrassent le règne républicain, elles retracent avec autant de sagacité que de franchise les progrès du mal qu’une fausse politique a fait en quelques années au pays. Ce n’est pas un ennemi de la république qui instruit ce procès ; c’est simplement un esprit honnête, sensé, pénétrant, qui voit les fautes, qui les signale à chaque pas, qui comprend aussi que tout se île dans la politique, que tout ce qui désorganise et divise la France à l’intérieur l’affaiblit dans son influence, dans son rôle extérieur. Lorsque M. Gabriel Charmes rassemblait et publiait récemment ces lettres qu’il accompagnait de quelques pages d’un sentiment juste sans y mettre son nom, il n’avait plus que quelques jours à vivre. Il est mort à l’œuvre, laissant de lui cette idée qu’il était déjà par son talent l’honneur de sa génération et qu’il aurait pu être un serviteur utile pour son pays dans un temps où l’on ne préférerait pas la basse et tapageuse ignorance au savoir et à l’esprit.

Ces questions de politique extérieure, surtout de politique orientale, que le jeune écrivain aimait à traiter, elles s’agitent toujours sur ce théâtre des Balkans, des provinces ottomanes, des mers de Grèce, où toutes les influences se rencontrent. Elles ne cessent d’attirer l’Europe, perpétuellement occupée à apaiser des conflits, guerres ou insurrections, et avec ces pays d’Orient il faut, en vérité, toujours s’attendre à de l’imprévu. Lorsqu’il y a quelques jours à peine, le règlement de l’affaire turco-bulgare a paru acquis et accepté, on a pu croire que la paix dans les Balkans serait la paix partout en Orient, que la Grèce demeurant seule avec ses revendications contre la Turquie, avec ses apprêts belliqueux, ne résisterait pas à la pression combinée de l’Europe ; on ne prévoyait point assurément la péripétie nouvelle qui se préparait, qui vient encore une fois de mettre un certain désarroi dans cette affaire orientale.

Qu’est-il arrivé, en effet ? Au moment où la question a paru se serrer plus vivement entre la Grèce, résolue à maintenir ses revendications, ses arméniens, et l’Europe, non moins décidée à aller jusqu’au bout, à appuyer au besoin une dernière sommation de l’emploi des