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et plus serrée. Deux pianos, ajoutés à l’orchestre, jettent dans l’accompagnement des crépitations un peu sèches très heureusement trouvées : c’est bien ainsi que les poutres et les charpentes craquent dans les vieilles églises à l’approche des revenans.

Pour ou contre l’œuvre de M. d’Indy nous trouverions encore à dire. Le prologue, après un refrain d’ouvriers qui rappelle un peu trop fidèlement la chevauchée des Walkyries, renferme une sombre phrase de Wilhelm, chargée de mélancolie. — Au sixième tableau, la prière du vieillard expirant est belle, mais d’une beauté malheureusement trop empruntée au style du maître de Lohengrin. — Dans la septième scène, le Triomphe, signalons la dramatique interruption des grondemens de la foule par le cri brusquement jeté : Maître Wilhelm est mort ! L’effet en est très puissant et redoublé par la psalmodie des prêtres, litanie funèbre bien plus originale que les chants religieux employés d’ordinaire en de telles circonstances.

La partition s’achève par une explosion de la cloche, que nous eussions voulue plus soudaine et plus retentissante, et par la reprise en chœur du dernier chant de Wilhelm : cet hymne à l’idéal, à la paix, à la fraternité universelle, atteste une dernière fois, chez M. d’Indy, poète et musicien, l’élévation des idées et l’aspiration vers les cimes. C’est surtout de cette tendance générale que nous tenons, en terminant, à le féliciter. Qu’il ne rabaisse point ses ambitions ; qu’il soit toujours de ces artistes, trop rares, qui regardent très loin et très haut, de ceux qui ne quittent jamais le long espoir et les vastes pensées.


CAMILLE BELLAIGUE.