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« Depuis vingt-cinq ans, la préoccupation constante des pouvoirs publics a été de dégrever l’impôt foncier ; vous vous mettez dans la nécessité de l’augmenter.

« L’empire, à ses débuts, l’avait allégé de 17 millions de francs, vous allez être obligé de lui demander de nouvelles ressources. Et dans quel temps ? Dans un temps où notre agriculture est en pleine crise, où la propriété agricole est menacée de tous côtés par le phylloxéra, par le bas prix du blé, par la cherté de la main-d’œuvre et l’avilissement des fermages.

« Le plus grand nombre de nos communes sont pauvres, très pauvres même ; leurs revenus ordinaires ne dépassent pas souvent 100 à 150 francs. Et vous iriez, pour établir la gratuité, leur imposer sur ces infimes ressources, un prélèvement d’un cinquième ! En vérité, vous êtes bien imprévoyans. »

L’argument portait juste et loin ; car déjà, lors de cette discussion en 1881, les sept vaches grasses étaient mangées et l’heure de l’abstinence avait sonné. Mais allez donc faire entendre cette cloche à des gens, la plupart sans éducation politique ou sans préjugés et tous ou presque tous arrivés. Les parvenus ne savent jamais bien compter ; ceux de la politique encore moins que les autres et rien n’égale leur insouciance à l’égard des deniers de l’état. C’est pourquoi la gratuité fut votée par les deux chambres à une grande majorité.

Le projet de loi sur l’obligation tel qu’il fut présenté par M. Ferry quelque temps après, soulevait encore plus d’objections que le précédent. Il en soulevait surtout de plus graves. Sur le principe, il s’était bien fait, depuis une quinzaine d’années, un grand apaisement dans les esprits. Les conservateurs les plus timorés eux-mêmes avaient fini par s’accoutumer à l’idée qu’un régime adopté par tant d’états pourrait bien, après tout, n’être pas si mauvais. Seulement, ici comme pour la gratuité, la question de principes se compliquait d’une question de finances et ce n’était plus, cette fois, de 30 ou 40 millions qu’il s’agissait, mais de 4 ou 500. Devait-on passer outre à cette dépense, comme on avait déjà voté la précédente ? Ne valait-il pas mieux, dans l’état de nos finances, surmenées comme elles l’étaient, s’en remettre au temps et aux mœurs du soin de réduire l’ignorance dans ses derniers retranchemens ? Telle était, sans contredit, l’opinion la plus sage, la plus raisonnable, celle qui s’imposait à tous les gens de sens calme et rassis, aux républicains et dans l’intérêt de la république aussi bien qu’aux monarchistes. L’autre idée, celle d’ajouter aux milliards de la guerre et des grands travaux de M. de Freycinet, en attendant ceux du Tonkin, l’énorme charge de 8 ou 10,000 maisons d’écoles