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sans être encore maîtresse de notre haut enseignement, son esprit y a pénétré, ses doctrines et ses passions y sont représentées ; elle ne règne pas dans la place, mais elle y a des amis, et, du train dont elle va, on peut prévoir le moment où elle y sera tout à fait installée. Déjà, l’art dernier, par ses clameurs, elle avait forcé le plus brillant de nos maîtres à descendre de sa chaire et ne l’y avait laissé remonter qu’après l’avoir contraint, par une pression sans exemple, à changer le caractère de son enseignement. Voici maintenant son organe le plus autorisé qui entre en lice. Le fait est gros : il y a quelques mois, les journaux annonçaient qu’une chaire d’histoire de la révolution allait être créée par le conseil municipal de Paris à la Sorbonne, que le bénéficiaire en était désigné d’avance, e ! que le ministre, dans son indépendance, avait accepté l’homme et la chose. Ou crut d’abord à une mystification ; on se trompait. le conseil avait parlé ; le ministre obéit. Cependant, qu’allait faire la Sorbonne ? Le gouvernement venait précisément, par un décret solennel, d’augmenter ses attributions, de lui reconnaître une autonomie et des droits auxquels elle aspirait depuis longtemps. C’était, ou jamais, le moment de se montrer, de protester contre une ingérence et des procédés indécens. Bref, on s’attendait à quelque chose. Il a paru plus opportun de se résigner au fait accompli. La faculté n’a pas même accepté la proposition qu’on lui faisait d’ignorer l’élu, j’allais dire l’intrus du conseil municipal Si bien que ce simple chargé de cours, gagé sur les fonds de la ville, et que la ville pourrait mettre à pied du jour au lendemain, s’il cessait de plaire, va siéger à côté des Fustel de Coulanges et des Janet dans le conseil des professeurs. Comme eux, il aura voix délibérative, et comme eux il figurera dans les commissions d’examen. A quel titre ? Au titre municipal et politique évidemment. Car enfin, quelle que soit l’honorabilité de l’homme, il est clair qu’il lui serait difficile de ne pas apporter, dans un emploi créé tout exprès pour lui, le souvenir de ses origines et des préoccupations d’un ordre extrascientifique. A défaut de convictions très profondes, la gratitude lui en ferait un devoir, et c’est bien le moins qu’ayant accepté le patronage des Vaillant et des Longuet, il s’inspire aussi de leur esprit. Mais, dès lors, que devient indépendance et la dignité de la faculté ? Dans quelle situation s’est-elle mise en reconnaissant pour un des siens la créature de gens qui, tout à l’heure encore, insultaient la science et l’université tout entière dans la personne d’Arago ? Que ferait-elle, enfin, si demain, devant une jeunesse enfiévrée, le nouveau professeur entreprenait de justifier la commune de 1871 en glorifiant les massacres le septembre et la Terreur ? Il n’oserait pas, dira-t-on. Et pourquoi ? Qui