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entraînement général. On a calculé que, dans cette orgie, de 1878 à 1885 seulement, il avait reçu de l’état près de 19 millions et des municipalités près de 22 millions, rien que pour ses constructions.

Et ce n’est pas tout : malgré les scrupules d’économie dont on s’est avisé depuis deux ou trois ans, il faudra bien encore 30 ou 40 millions pour terminer les travaux commencés ou promis.

Avec de tels moyens, entre les mains d’hommes aussi distingués que M. Du Mesnil et que le regretté Albert Dumont, le succès n’était pas douteux. Entrez à la Sorbonne aujourd’hui, si vous n’y êtes pas allé depuis quelques années, vous serez tout étonné du mouvement et de l’activité qui y règnent. Grâce à la fondation des bourses de licence et d’agrégation, nos professeurs ont maintenant presque tous un public d’auditeurs réguliers, d’étudians ; et grâce à l’institution des maîtres de conférences, il n’est presque pas de branche de connaissances qui ne compte aujourd’hui sa chaire et son représentant.

En province, dans quelques facultés, le progrès n’a pas été moins rapide. Toulouse et Bordeaux comptaient déjà, pour 1883-1884, près de deux cents élèves ; Montpellier, Nancy, Besançon de cent à cent vingt.

Les beaux chiffres certes ! encore qu’il faille toujours se défier un peu de la statistique et faire la part des non-valeurs dans les états qu’elle dresse. Mais les chiffres, les résultats matériels ne sont pas tout ici. J’oserais même avancer qu’ils sont bien peu de chose en comparaison des avantages d’ordre intellectuel et moral qu’un peuple a le droit d’attendre et le devoir d’exiger de ses écoles en retour des sacrifices qu’il s’impose pour elles. Tout de même qu’aux armées, il ne suffit pas d’avoir beaucoup d’hommes dans les rangs, beaucoup d’officiers pour les conduire et l’outillage le plus perfectionné, tout de même, en matière d’instruction publique, on n’a résolu que la moitié du problème et la moins difficile, assurément, en multipliant le nombre des chaires et celui des élèves et en élevant de splendides palais à la science. Ce qui importe, avant tout, c’est l’orientation et l’esprit de l’enseignement, ce sont ses tendances et ses visées, et malheureusement, à cet égard, il s’en faut que le mouvement qu’on a commencé de lui imprimer, vers 1880, ait été conduit avec la prudence et le désintéressement voulus.

Autrefois nos facultés, la Sorbonne elle-même, avaient un défaut capital : elles ne formaient pas assez d’élèves et leur enseignement s’adressait trop exclusivement au grand public, à la foule. Certains cours privilégiés, seuls, attiraient une clientèle fixe ; les autres en étaient réduits à des auditoires de passage, sur lesquels