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lettrés qui, sans compter même celle de 1830, n’ont pas fait trop mauvaise figure dans le monde. Il avait surtout un grand mérite : il était éprouvé ; parmi tant de choses qui passent, il avait duré ; parmi tant de ruines accumulées depuis le commencement de ce siècle, il s’était maintenu dans les grandes lignes et l’esprit général de sa fondation. Déjà, d’ailleurs, sous les régimes antérieurs, et particulièrement dans les dernières années de l’empire, l’instruction publique, à tous ses degrés, s’était vue l’objet d’une vigoureuse impulsion et la route, on peut le dire, avait été largement ouverte à toutes les réformes compatibles avec le bon ordre des finances, le souci des saines traditions universitaires et le respect de la liberté de conscience. Dans l’ordre de l’enseignement primaire, la loi de 1833, la loi Guizot, avait jeté les bases d’une organisation infiniment plus large et plus régulière que celle du premier empire et de la restauration. En 1867, une autre loi, pour ne citer que la plus importante de cette période, était intervenue pour donner aux écoles de filles le caractère légal qui leur manquait encore et pour étendre à tous les indigens reconnus le bénéfice de la gratuité. Par la création d’écoles de hameau et par la multiplication des cours d’adultes[1], cette même loi, sans aller jusqu’à l’obligation, avait mis à la portée de toutes les bonnes volontés les connaissances élémentaires.

Dans l’ordre secondaire, la création, en 1865, d’un nouvel enseignement, dit spécial, parce qu’il devait varier suivant les régions et leurs besoins particuliers, semblait avoir répondu d’avance à ceux qui reprochaient à l’université de ne préparer qu’aux carrières libérales et de faire plus de bacheliers que de négocians, d’industriels ou d’agriculteurs. Très combattu dans le principe par une partie du corps universitaire, qui ne voyait pas sans déplaisir ce rival s’élever à côté de lui, suspect à l’administration elle-même, dont il dérangeait les habitudes, ce nouvel enseignement s’était néanmoins très rapidement développé. A la fin de l’empire, il avait conquis une vingtaine de villes qui avaient en l’esprit de transformer leurs mauvais collèges classiques en excellens collèges spéciaux ; en 1875, il comptait dans ces établissemens plus des deux cinquièmes de la population scolaire.

Sous ce rapport, il n’y avait donc que d’heureux résultats à constater. Quant aux humanités, si malmenées et décriées qu’elles fussent déjà par des publicistes qui en ont fait depuis leur mea culpa, leur belle ordonnance était toujours la même, et plus que jamais, au lendemain de nos revers, elles apparaissaient à tous les

  1. De 4,294, ils s’élevèrent en quelques mois à 24,080.