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était le signal qui devait mettre le feu aux poudres et livrer la péninsule à la révolution. Déjà, dans plusieurs villes du territoire romain, les volontaires avaient proclamé la république. Les intérêts de la couronne étaient enjeu, M. Raltazzi ne pouvait plus hésiter. Son dévoûment au roi était absolu ; il lui subordonna les considérations parlementaires et le souci de sa popularité ; il retrouva l’énergie d’Aspromonte ; il décréta l’arrestation de l’incorrigible agitateur.

Le 24 septembre, Garibaldi était signalé à Asinalunga, sur la frontière pontificale ; il adressait à l’Italie un véhément appel à l’insurrection. « Le moment est venu, disait-il, de ne laisser à la maison que les femmes et les enfans. « Il ajoutait que tout Italien qui ne prendrait pas les armes serait un lâche. Le préfet de Sienne l’avait en vain exhorté à rebrousser chemin, à renoncer à une entreprise qui, sans chance de succès, pouvait compromettre les destinées de l’Italie. Il lui avait répondu par de dédaigneux défis. Les ordres du préfet étaient formels, il fit intervenir la gendarmerie. Garibaldi était arrêté, à cinq heures du matin, dans les conditions les moins dramatiques, au moment où il entrait dans son bain ; il était reconduit à Arezzo et de là dirigé sur la forteresse d’Alexandrie.

« L’étonnement est profond à Florence, télégraphiait notre chargé d’affaires ; les partisans de Garibaldi ont peine à se remettre de leur émotion. Personne n’était préparé à ce coup d’énergie. Les troupes ont été consignées. Le soir, des attroupemens se sont formés autour du ministère de l’intérieur et dans les rues avoisinantes. Des groupes séditieux parcourent la ville et crient : Vive Garibaldi ! à bas Raltazzi ! Des émeutiers ont tenté de forcer les portes de la questure et du télégraphe ; ils ont pillé plusieurs boutiques d’armuriers, brisé à coups de pierre les fenêtres de la maison qu’habite Rattazzi. Un agent de police a été tué, plusieurs carabiniers grièvement blessés par des coups de poignard. Un officier de cavalerie a été atteint par un coup de revolver. Le syndic, M. de Cambray, fait afficher une proclamation. Des députés, M. Crispi à leur tête, protestent violemment contre l’arrestation de Garibaldi. Ils ont adressé une lettre au président du conseil. La cavalerie est en train de déblayer les points menacés et de disperser les rassemblemens. Un violent orage, accompagné d’une pluie torrentielle, achève la déroute. »

Une note, insérée le lendemain dans la Gazette officielle, disait que, le mouvement provoqué par Garibaldi s’étant manifesté par un commencement d’exécution, le gouvernement du roi s’était trouvé dans l’alternative, ou de laisser violer les traités au mépris de la foi publique et de l’intérêt du pays, ou de maintenir sa parole et de conserver intacte la majesté de la loi. La note ajoutait que le ministère avait rempli son devoir en arrêtant Garibaldi, et que, s’il n’avait tardé, il se serait trouvé en face des plus douloureuses