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semaines, ont occupé, ému l’Europe, en montrant, une fois de plus, combien la paix, la paix diplomatique ou sociale, est toujours précaire ? Qu’en est-il de l’éternel imbroglio oriental et de ces scènes révolutionnaires qui ont récemment agité la Belgique ? Rien n’est évidemment fini en Orient et on ne voit pas même encore comment tout finira. Les représentans de l’Europe, il est vrai, se sont réunis à Constantinople ; ils ont délibéré, ils ont sanctionné ce qu’on est convenu d’appeler l’arrangement turco-bulgare avec les modifications désirées par la Russie, et ils se sont empressés de transmettre le résultat de leur délibération au prince Alexandre de Bulgarie en même temps qu’à Athènes, en invitant, une fois de plus, le gouvernement grec à la paix. Rien de mieux. L’Europe a notifié ses intentions, sa volonté ; seulement le prince Alexandre ne semble pas disposé à se soumettre sans protestations, sans se réserver le droit de ne faire, lui aussi, que sa volonté, et à Athènes la notification européenne tombe au milieu des passions guerrières qui éclatent dans le parlement grec réuni depuis peu. De telle façon que cette terrible affaire est loin d’être finie, et en se prolongeant elle risque toujours de s’aggraver, d’entraîner l’Europe dans d’étranges complications. C’est l’insupportable danger de cette question perpétuellement ouverte en Orient. D’un autre côté, cette malheureuse crise que la Belgique vient de traverser semble, à la vérité, tendre à s’apaiser ; elle ne s’apaise que lentement, peut-être en apparence plus qu’en réalité. Elle reste un objet de préoccupation pour tous les politiques qui réfléchissent, et si elle a paru être plus qu’un violent trouble local, c’est qu’on sent bien que cette explosion d’anarchie tient à toute une situation, qu’elle se relie à des mouvemens semblables qui se produisent dans d’autres pays. C’est ce qui fait l’importance de ces événemens belges qui gardent toute leur signification aujourd’hui comme hier.

Le moment, du reste, est un peu partout aux questions graves, et tandis qu’on est à se demander où conduiront ces agitations socialistes, où conduira aussi cette crise orientale qui ne finit pas, l’Angleterre, pour sa part, aborde le plus redoutable des problèmes. Elle n’aborde pas, il est vrai, sans de violentes anxiétés, ce problème irlandais qui lui est imposé : les Anglais, on le sent, ne vont pas d’un cœur léger à la grande aventure, et ce qu’il y a justement de curieux dans cette situation, c’est qu’au milieu des inquiétudes d’une opinion indécise, agitée, le chef du gouvernement, un vieillard chargé d’années, seul garde son audacieuse confiance en proposant à son pays une véritable révolution.

M. Gladstone, en effet, a maintenant dit son secret. Après la longue attente de ces dernières semaines, il, s’est levé l’autre jour dans la chambre des communes, au milieu des acclamations de son parti, et,