Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et-industrielle augmentait rapidement et où l’élevage n’était pas encore pratiqué. Dès 1873, cette exportation s’élevait annuellement jusqu’à un million de bœufs ; des acheteurs venaient des territoires où la construction des chemins de fer et les mines créaient des centres de consommation et de ceux où de grands propriétaires songeaient à employer leurs capitaux en couvrant leurs vastes domaines de bétail reproducteur. Les cow-boys emmenaient dans l’Utah, le Colorado, le Nouveau-Mexique, jusqu’aux montagnes Rocheuses, le bétail payé 75 francs par tête à l’éleveur du Texas, et le revendaient jusqu’à 200 et 300 francs. Le propriétaire de la savane a dès lors constitué les premiers capitaux qui lui ont permis d’améliorer ses troupeaux, d’enclore ses propriétés. Cependant l’élevage ne se développe pas aussi rapidement qu’en Australie ou à la Plata : le nombre des troupeaux n’y augmente pas dans les mêmes proportions, mais la richesse s’y accroît plus vite ; l’éleveur texien a sur ses congénères cet avantage qu’il a à sa porte un débouché qui suffit à l’écoulement du croît annuel. On ne compte, en effet, au Texas que 10 millions de moutons et 6 millions de bêtes à cornes quand il en pourrait porter autant que l’Australie. Mais ce qui ne s’est pas réalisé depuis longtemps aura trop tôt son heure ; déjà l’écoulement est moins actif, la multiplication a marché vite dans les états du Nord, et la demande de bétail est déjà moins suivie au Texas ; les centres industriels ont aux États-Unis des approvisionnemens à portée : pour ceux-ci le champ est vaste. À ces consommateurs américains beaucoup plus actifs qu’en aucun lieu du monde et dont le nombre équivaut à ceux de l’Angleterre et de la France réunis, les États-Unis ne présentent que 35 millions de bêtes à cornes et 35 millions de moutons, quantités un peu supérieures pour les premiers, inférieures pour les seconds à celles que possèdent ces deux états. Pour des raisons qu’il est difficile de débrouiller, le colon des États-Unis a toujours préféré l’élevage du porc ; aussi ce territoire en possède-t-il près de 50 millions, c’est-à-dire un peu plus que tous les pays d’Europe réunis. Ce chiffre dénonce la nature des occupations du colon américain ; il est surtout habitué à la petite culture, au petit bétail de ferme, qui en utilise tous les produits : les 500,000 immigrans qui débarquent chaque année apportent les mêmes mœurs et suivent le chemin tracé. La loi ne permet pas. de vendre à chacun d’eux plus de 162 hectares de terres domaniales, ce qui détermine une subdivision de la terre vierge et déserte en parcelles trop menues pour que l’élevage y puisse être tenté, pour que la vie pastorale y soit possible. Le prix de cette terre est en outre très élevé : dans certaines parties du Texas même occupées par les éleveurs, il n’est pas rare de la voir