Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monts Cantabres, où ils restent jusqu’en septembre, ils font ainsi 500 kilomètres à l’aller et autant au retour. Ce système très primitif de transhumance, appliqué aux plus grands troupeaux de la Péninsule, suffit à prouver que les pâturages d’Espagne sont incapables de fournir de longtemps matière à exportation. Ne songeons donc pas à nous garer de ce côté d’une invasion qui n’est pas à craindre, qui devrait l’être cependant à ne consulter que les conditions de climat de l’Espagne et les traditions que lui avaient léguées les Maures. La pauvreté de viande est telle aujourd’hui en Espagne et tel le dénûment et l’indolence des habitans de ses campagnes-que la République argentine a pu y tenter, depuis deux ans, avec quelque succès, l’importation de ses viandes séchées et salées que jusqu’ici seuls les esclaves du Brésil et de La Havane avaient consommées.

L’Italie, plus pauvre en moutons que l’Espagne, ne possède que 6 millions de bêtes à cornes, et cependant l’Italie figure parmi les pays d’importation de viande en France ; elle fournit à nos éleveurs du Midi quelques bandes de bœufs et quelques milliers de moutons, mais en nombre infime comparé aux provenances d’Algérie.

Le nord de l’Afrique a été de tout temps un pays d’élevage de moutons et de vie pastorale. Les moutons de Syrie de la race kirghize, originaire des rives de la mer Caspienne, qui s’était au reste répandue en Asie et en Afrique des rives de la mer de Chine à celle de la Méditerranée, abondaient en Afrique à l’époque de la conquête. Cette race a le grand inconvénient de ne pas offrir aux Européens une viande comestible et la particularité de porter de chaque côté de la queue des masses adipeuses plus ou moins développées, volumineuses et pendantes, qui donnent à toute sa chair un goût prononcé de suif rance. En raison de ce défaut caractéristique, aucun des pays où cette race est conservée avec ce vice originel ne peut prétendre à fournir les marchés européens. Cependant, il faut noter que, dans certaines régions, celles où la nourriture du troupeau est plus régulière, ce vice tend à disparaître et ces masses adipeuses à s’atrophier. C’est ce qui s’est produit en particulier sur le littoral algérien, mais non encore en Tunisie, pour ne parler que des deux pays qui nous intéressent.

En Algérie, la race kirghize avait perdu, longtemps avant la conquête, ses caractères zootechniques particuliers ; des soins spéciaux qu’elle avait reçus des indigènes avaient donné naissance à la race barbarine. Ce sont les animaux de cette variété qui sont importés d’Algérie en France au nombre de 800,000 annuellement ; ils sont achetés par les éleveurs du Gard et de l’Hérault et engraissés pour la boucherie.

Nous avons fini cette revue de l’élevage en Europe, nous n’avons pas à parler des pays de consommation comme la France et