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Anglais appellent le voluntary System ? Ne serait-ce pas que les différentes sectes, les diverses « dénominations » sont si nombreuses et si mobiles que, pour l’état, il serait singulièrement compliqué d’en subventionner tous les ministres et d’en distinguer toutes les nuances ?

Dans les pays tels que l’Angleterre, tels que les États-Unis surtout, où les sectes pullulent, où chaque génération en voit naître de nouvelles, qui en enfantent d’autres à leur tour, où la religion est une sorte de protée sans cesse en transformation, « le système volontaire, » la séparation des églises et de l’état peut être ce qu’il y a de plus simple, de plus rationnel, de plus pratique. Et cela d’autant que la multiplicité même des formes religieuses rend leur entière indépendance inoffensive ; qu’elle enlève au moins à la séparation la plupart de ses inconvéniens vis-à-vis de l’état. À ce double égard, au point de vue civil comme au point de vue religieux, le régime de la séparation nous parait à la fois plus difficile et plus dangereux dans les pays catholiques, orthodoxes ou même luthériens, dans les contrées où domine une grande église à forte hiérarchie, que dans les pays protestans où la réforme de Calvin aboutit à l’émiettement des sectes. Ce qui réussit dans ces derniers peut être périlleux dans les autres ; car il est fort différent, pour l’état, de se trouver en présence d’une multitude d’églises et de congrégations rivales qui, politiquement, se neutralisent les unes les autres, ou d’être en face d’une grande église unitaire à laquelle rien ne fait contrepoids. C’est là une distinction essentielle. L’erreur capitale de nos théoriciens anticoncordataires est de ne point le voir. Leurs doctrines le leur défendent, le propre des écoles radicales étant précisément de ne pas reconnaître les distinctions nécessaires. Imbu de spéculations a priori, on prétend appliquer la même formule à des situations absolument différentes ; on confond les époques, les pays, les religions ; on rêve naïvement de mettre la France catholique au même régime que les congrégations presbytériennes ou baptistes des États-Unis.

La situation de l’église anglicane, avons-nous dit, est fort analogue à celle de l’église de France avant 1789, avec cette importante différence qu’elle a depuis longtemps, en face d’elle, des sectes qui lui font contrepoids. De quelle manière les Anglais entendent-ils pratiquer le disestablishment et spécialement le disendowment, la sécularisation des immenses revenus dont jouit aujourd’hui l’église établie, ces revenus qu’on capitalise à 3 ou 4 milliards de francs ? De quelles ressources vivra l’église une fois « désétablie ? » sous quel régime légal seront placés son clergé, ses évêques, ses paroisses, ses écoles ? C’est là pour nous le point le plus intéressant, puisqu’à