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permis d’oublier qu’en France l’état s’en est chargé par un engagement formel, et que cet engagement, qui n’avait rien de gratuit, rien ne l’autorise à s’en délier.

En mettant les biens du clergé « à la disposition de la nation, » la constituante, par l’organe de Mirabeau, tenait à se défendre du reproche d’usurpation de la propriété. Sur ce point, elle était loin d’être insensible aux objections de l’abbé Maury et de Cazalès. Elle sentait fort bien que violer une propriété, de quelque ordre qu’elle fût, c’était menacer toutes les autres. Si Mirabeau et l’assemblée constituante s’élevaient contre la perpétuité des fondations, c’était, avaient-ils soin d’assurer, dans la forme où ces fondations avaient été établies. En en transmettant la gestion à l’état, ils prétendaient ne pas les détourner de leur objet ; ils ne s’en attribuaient même pas le droit. Que ces fondations provinssent des largesses des princes, des corporations ou des particuliers, Mirabeau soutenait « qu’en se les appropriant, sous la condition inviolable d’en recueillir les charges, la nation ne portait aucune atteinte au droit de propriété ni à la volonté des fondateurs, » deux choses que la constituante prétendait respecter, sentant bien qu’autrement la sécularisation des biens de l’église n’eût été qu’une pure et simple confiscation. D’après Mirabeau et les hommes de 1789, la nation, en mettant la main sur les biens du clergé, ne faisait en quelque sorte que reprendre l’administration de ces biens, sans aller contre l’intention de ceux qui les avaient donnés à l’église « pour la religion, pour les pauvres et le service des autels. » Selon le grand tribun, les ecclésiastiques n’étaient réellement pas propriétaires des biens de l’église ; ils n’en étaient même pas, à proprement parler, usufrutiers, comme l’admettait Talleyrand ; ils en étaient simplement les dispensateurs, les dépositaires, point de vue trop oublié du clergé et plus encore de la cour et des princes, qui si longtemps avaient distribué les biens d’église à leurs créatures. Les revenus ecclésiastiques avaient, sous l’ancienne monarchie, été si souvent détournés de leur destination première qu’en en rendant la gestion à l’état, en lui donnant le droit d’en user pour certaines nécessités publiques, on pouvait se persuader qu’on en disposait d’une manière plus conforme aux vœux des fondateurs.

Quels que fussent leurs mobiles secrets, les constituans étaient unanimes à reconnaître le droit du clergé et des édifices religieux à être entretenus à perpétuité sur le produit des biens de l’église, devenus biens nationaux. Mirabeau insistait, vis-à-vis de la droite de l’assemblée, sur ce que son objet n’était point de demander que le clergé « fût dépouillé pour mettre d’autres citoyens à sa place. » Il déclarait même n’avoir nulle intention de soutenir « que les