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ecclésiastiques. Cela est en dehors de sa sphère naturelle ; s’il continue à s’occuper de pareils soins, c’est un reste de l’alliance surannée de ce qu’on appelait les deux pouvoirs, un reste de l’ancienne confusion du temporel et du spirituel. Dans une société tout entière sécularisée, chez un peuple qui ne reconnaît d’autre pouvoir et d’autre souveraineté que l’état, un budget des cultes est une anomalie choquante. Cent ans après la révolution, cela devient un anachronisme. Il faut biffer du budget le chapitre des cultes, ou renoncer à tous les principes de la révolution pour revenir franchement à une église d’état ; car le régime actuel n’est qu’un compromis bâtard entre les préjugés ou les traditions de l’ancienne société et les principes essentiels du droit moderne. Si, comme vous le dites, la séparation est aux trois quarts effectuée, c’est une raison de plus pour l’achever résolument, sous peine de contradiction, sous peine d’illogisme.

Vulgaire ou savante, telle est en résumé l’objection la plus souvent dirigée contre le régime concordataire. Il serait puéril d’en contester la valeur. Elle s’appuie sur des idées dont est pénétrée toute notre société moderne. Elle a pour elle l’autorité toujours si grande des théories absolues, avec le prestige de la logique qui impose à la masse des intelligences. Elle aurait, par cela seul, la faveur de la démocratie, partout éprise des idées simples et des solutions tranchées, parce qu’elle n’a ni assez de lumières ni assez de réflexion pour saisir la complexité des choses.

Sur les esprits cultivés au contraire, sur les esprits politiques en particulier, médiocre est la recommandation de la logique. Ils savent qu’en politique, rien n’est dangereux comme d’aller à l’extrémité des principes. Pour les gouvernemens, les maximes spéculatives sont loin d’être toujours des guides sûrs ; mieux vaut parfois l’empirisme. La logique est l’opposé de la politique et l’homme d’état habite aux antipodes du géomètre. Aussi, l’accusation d’inconséquence ne suffit-elle pas en pareille matière à motiver une condamnation, ou bien il est permis d’appeler de la sentence.

L’inconséquence est-elle cependant aussi manifeste qu’elle le paraît à certains esprits ? Est-il interdit de s’inscrire en faux contre la contradiction ? Nous n’avons pas en vue en ce moment les partisans de l’union intime de l’église et de l’état, les théologiens ou les philosophes pour lesquels l’alliance du spirituel et du temporel est la règle, la norme éternelle dont les sociétés ont le devoir de ne pas s’écarter. A ceux-là nous ne disputerons pas le droit de déclarer le régime actuel essentiellement inconséquent et illogique. Nous parlons ici des hommes qui, avec la plupart des publicistes modernes, sont convaincus de l’incompétence de l’état en matière de