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l’est, par conséquent vers l’emplacement des Alpes, qu’elles n’atteignirent qu’à peine, à l’aide du plus avancé dès golfes qui se formèrent. Il existe des jalons encore visibles de cette marche ; elle fut facilitée incontestablement par des mouvemens du sol, par des changemens de relief, puisque de notables portions du domaine lacustre échappèrent à l’invasion et furent alors mises à sec, tandis que d’autres, par un contre-coup de ce relèvement, s’affaissèrent et reçurent les eaux de la nouvelle mer. Celle-ci vint accumuler ses couches en recouvrement des dépôts antérieurs d’origine lacustre ; elle alla même submerger, au-delà, des espaces auparavant terre ferme. Mais ce qui prouve qu’il n’y eut rien d’absolument rapide dans ces phénomènes de sédimentation transgressive, c’est que le plus souvent la transition, entre les deux régimes, s’opère en a stratification concordante, » la série d’eau douce gardant son horizontalité au moment où les premiers lits marins, généralement détritiques, vinrent la recouvrir en donnant lieu à une liaison intime entre les deux systèmes, à leur point de contact.

A Bonnieux, près d’Apt, non loin de l’extrémité austro-occidentale du lac de Manosque, les derniers lits du système lacustre renferment, dans leurs minces feuillets, des empreintes de poissons d’eau douce et de plantes littorales oligocènes, c’est-à-dire plus anciennes d’un degré que celles de l’aquitanien. Immédiatement au-dessus de ces lits, la sédimentation change ; de calcaire qu’elle était, elle devient marno-sableuse ; les strates, toujours schisteuses, mais non plus feuilletées, prennent l’aspect de plaques, puis d’assises, et passent enfin supérieurement à la molasse marine. Rien de plus ménagé que cette transition, qui démontre l’introduction paisible de la mer, se substituant sans trouble aux eaux de l’ancien lac, devenues insensiblement saumâtres, puis entraînant du sable au lieu du limon subtil et moins abondant auquel les schistes feuilletés avaient dû leur existence. — Dans les eaux douces croissait une plante palustre, une rhizocaulée, dont on retrouve les feuilles percillées de perforations radiculaires, et, le long du rivage s’élevait une cycadée (zamites), dernière survivante de celles des temps jurassiques ; mais, sur les plaques marines, les premières qui accusent la nature du changement opéré, ce sont des algues d’une extrême délicatesse rejetées par la vague le long des rives et dont les frondes ont moulé sur un fond de vase leurs frêles rubans aux ramifications élégantes et multipliées.

Ainsi, la mer qui envahissait la Provence et s’avançait, de l’ouest à l’est, était déjà parvenue aux environs d’Apt dès la fin de l’oligocène. A l’est, au contraire, l’ancien lac persistait dans les mêmes limites. En effet, à Ceyreste, non loin de Manosque, on observe le prolongement latéral des schistes de Bonnieux, à la fois lacustres et