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localité de ce nom ; mais la cuvette lacustre la plus considérable était celle qui, d’Apt à Peyruis, sur la Durance, de Bonnieux à Manosque et de La-Tour-d’Aigues, au-delà de Forcalquier, se trouvait alors encadrée ou échancrée ça et là, au nord, par les contreforts du Ventoux et de Lure, à l’est, par le cours actuel de la Durance, au sud-ouest, par le Léberon, dont la saillie commençait à peine à se prononcer. Ce lac, auquel la petite ville de Manosque doit donner son nom et dont la configuration n’était pas sans analogie avec celle du lac de Constance, mesurait, du sud-ouest au nord-est, entre Bonnieux et Peyruis, plus de 60 kilomètres, sur une largeur variable de 15 à 20. De même qu’auprès d’Aix, des amas détritiques, confusément stratifiés, avaient tout d’abord occupé le fond de la dépression, et l’épaisseur totale des sédimens accumulés atteint ou excède 1,200 à 1,500 mètres. Il fallut une masse pareille pour achever de combler une profondeur comparable à celle des plus grands lacs de la Suisse. Les couches de lignites, exploitées près de Manosque, témoignent qu’à la longue les eaux de la partie orientale devinrent assez basses, surtout vers les bords, pour disparaître sous un épais rideau de plantes marécageuses.

Non-seulement les assises lacustres renferment des lignites aux environs de Manosque et aussi à Saint-Zacharie ; non-seulement, sur une foule de points, elles sont riches en fossiles : soit plantes, soit animaux ; mais elles se distinguent encore par la présence de gypses sédimentaires, c’est-à-dire disposés par lits alternant avec des lits purement calcaires ou marneux. Ces gypses ne s’étendent jamais à la totalité d’un niveau déterminé ; ils sont, au contraire, localisés, chaque gisement étant circonscrit et continu latéralement avec les assises dénuées de gypse ou en offrant à peine quelques traces.

En résumé, les dépôts des lacs tertiaires de Provence présentent à l’observateur une réunion de phénomènes des plus variés, et ces phénomènes, même en considérant à part chacune des catégories qu’ils comprennent, au lieu de se produire simultanément et d’avoir été strictement contemporains, ont dépendu de circonstances et d’accidens qui, loin d’avoir été partout les mêmes, diffèrent selon les lieux et les bassins explorés. Il était donc indispensable de rechercher avant tout les élémens d’un parallélisme rigoureux entre les couches des diverses formations locales, comparées au point de vue des gisemens qu’elles renferment. Cette marche était la seule qui permît de constater le niveau relatif et de fixer la concordance des horizons partiels sur lesquels se placent les gisemens. Pour être accomplie avec succès, une tâche semblable exige un coup d’œil exercé et la double connaissance des détails stratigraphiques et des fossiles caractéristiques propres aux sous-étages dont la