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une partie des dépressions lacustres et découpe de ses fiords capricieux le sol provençal tout entier : c’est la période miocène ou « molassique, » parce qu’effectivement cette mer est celle de la molasse. Enfin, dans une dernière période, la mer se retire et abandonne entièrement le pays. De nouveaux lacs, alimentés par des cours d’eaux qui ne correspondent encore qu’imparfaitement aux rivières actuelles, mais qui en représentent comme une première ébauche, occupent l’intérieur de la contrée, qui se rapproche graduellement de celle qui est maintenant sous nos yeux. Cette troisième période est celle du tertiaire récent, ou pliocène. Chacune d’elles mérite de fixer l’attention, soit par ses traits généraux caractéristiques, soit par la nature des êtres fixés dans la région dont nous cherchons à tracer une esquisse historique.


IV

Pendant la période des lacs, c’est-à-dire lors de l’éocène et jusqu’après l’oligocène, du paléocène à l’aquitanien inclusivement, la Provence avait à peu près la situation géographique de la Lombardie actuelle. Comme celle-ci, elle était placée vers le haut d’une péninsule dont la Corse et la Sardaigne semblent jalonner l’ancienne direction, au point de jonction de cette péninsule avec une grande terre continentale qui comprenait, outre la France, diminuée du bassin inférieur de la Seine, l’Allemagne du Nord jointe aux pays baltiques et à la Russie septentrionale. La mer qui baignait les flancs de la péninsule en question profilait sur ses côtés deux golfes sinueux, l’un à droite sur la ligne des Alpes, encore abaissées, l’autre à gauche, inclinant à l’ouest vers les Pyrénées et dans l’axe de cette chaîne, encore absente ou dessinant à peine un faible relief. Entre ces deux Adriatiques, plus étroites et moins étendues que celle de Venise, assimilables plutôt par leurs proportions à la mer d’Azof ou au golfe de Corinthe, s’étalait une région continue au nord avec le reste de la France, parsemée de lacs et hérissée de montagnes, dont il est difficile, à la distance où nous sommes placés, d’évaluer l’importance. Nous savons seulement par la stratigraphie qu’au commencement de la période, le sol de la Provence changea d’aspect et qu’à la suite d’un surexhaussement des points dont le relief tendait à s’accentuer, un mouvement de bascule fit refluer les eaux, auparavant contenues dans une cuvette lacustre au fond de la vallée du Lar, pour les ramener au nord, et leur faire occuper l’espace maintenant compris entre la ville d’Aix au sud et la Durance dans la direction opposée. Dans cet espace et sur une largeur de 6 à 8 kilomètres, une crevasse nouvellement ouverte offrit aux eaux une cuvette destinée à les recevoir, située sur les flancs et au pied du versant