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d’autre part, les palmiers et les pandanées dominent déjà les plages numides et qu’à leur pied, comme de nos jours, s’étalent des osmondes, tandis que les lagunes elles-mêmes se couvrent de roseaux et disparaissent sous les lotus en fleurs ; pour tout résumer, tandis que le paysage du dernier âge de la craie est déjà celui que nous offrirait le Gange, le Nil supérieur ou même le Volga près de son embouchure, les animaux terrestres diffèrent encore totalement. — Les mammifères sont rares ou même inconnus ; ils ne sont pas absens tout à fait ; mais, subordonnés et craintifs, ils se cachent ; leur règne est proche, mais non encore établi, et les oiseaux, imparfaitement transformés, loin d’avoir atteint le terme de leur adaptation à la vie aérienne, affectent ces caractères étranges dont la singularité résulte surtout de l’ignorance où nous sommes des échelons partiels qu’ils ont dû gravir à travers les âges avant de devenir ce qu’ils sont et ce qu’on a cru longtemps, à tort, qu’ils avaient toujours été.

Nous ignorons dans quelle mesure les révolutions physiques ont contribué à précipiter le déclin et à entraîner la chute d’un ordre de choses, déjà altéré dans ses élémens constitutifs, et qui tendait à faire place à un ordre nouveau. Nous entendons par révolutions physiques celles qui tiennent aux mouvemens de l’écorce terrestre, à son relèvement ou à son abaissement alternatifs, à ses plissemens et à ses fractures, d’où résultent, en dernière analyse, les chaînes de montagnes, d’une part, et, de l’autre, par suite des affaissemens, les invasions de la mer ou la formation des nappes lacustres là où précédemment le sol était à sec ; enfin, l’action concomitante des cours d’eau balayant les pentes et charriant vers les dépressions les élémens détritiques situés à leur portée. — Ce qui est certain, c’est qu’en Provence, aux oscillations qui avaient amené le retrait de la mer sénonienne, puis l’établissement des lagunes du bassin de Fuveau, à ces premières oscillations succédèrent des secousses, des fractures et des exhaussemens dont les effets sont encore visibles dans la vallée du Lar. Leur importance se mesure à la puissance même des matériaux de tout genre : brèches, poudingues, argiles rutilantes, marnes et grès accumulés par les eaux dans l’étroit espace qui, de Fourrière et de Trets, s’étend jusqu’au-delà de Rognac, périmètre qui dut originairement constituer un bassin lacustre ou un estuaire d’une grande profondeur. Sur le flanc même de Sainte-Victoire, les brèches anciennement arrachées aux escarpemens de la montagne et cimentées par un limon ferrugineux ont donné lieu au marbre connu sous le nom de a brèche d’Alep. » C’est là une sorte de nagelfluhe semblable à celui qui, dans les Alpes centrales, représente les débris produits par leur soulèvement. En proportionnant les effets aux causes, ne