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diamètre. Il est aisé de restituer intégralement cet œuf et de définir les caractères d’un organe dont il n’est pas besoin de faire ressortir l’excessive rareté à l’état fossile. Effectivement, les œufs de reptiles ont ceci de particulier qu’ils n’ont pas un gros et un petit bout, comme ceux des oiseaux ; ils affectent plutôt la forme’ régulièrement ellipsoïde d’un cocon, les extrémités étant symétriquement arrondies et le milieu presque cylindrique. Les fragmens en question, par leur rapprochement, donnent un œuf qui ne pouvait avoir moins de 0m, 35 à 0m, 40 de long, et dont la capacité équivalait à huit ou dix fois le volume d’un œuf d’autruche. Mais une dernière circonstance enlève toute incertitude à sa détermination, c’est l’existence de rugosités fines et labyrinthoïdes, décrivant un réseau superficiel des mieux caractérisés, et que M. Matheron a observé absolument pareil à la surface des œufs des caïmans actuels du fleuve Parana, qu’il avait réussi à se procurer.

Des êtres conçus aussi en dehors de ceux qui nous sont familiers étaient adaptés trop étroitement à un genre de vie déterminé pour ne pas se trouver exposés à disparaître aussitôt que la nature aurait achevé de se renouveler autour d’eux, par l’extension des arbres feuillus et l’élimination des cycadées et des conifères de l’âge antérieur ; enfin, par la multiplication des mammifères et des oiseaux, achevant de se répandre et de se transformer. Cette dernière évolution n’est accomplie qu’à la fin de la craie. Les dépôts crétacés, dit M. de Lapparent[1], n’ont pas encore fourni de mammifères, et, quant aux oiseaux primitifs signalés par M. Marsh dans la craie du Kansas, ils s’écartaient tellement des nôtres, que plusieurs (odontornis, hesperornis) avaient des dents et présentent des particularités de structure propres à atténuer notablement la distance qui sépare aujourd’hui la classe des oiseaux de celle des reptiles.

Il convient de noter la lenteur excessive de ces évolutions, qui, loin d’obéir à un mouvement d’ensemble, de suivre une marche uniforme et simultanée, s’attardent ou se précipitent, au contraire, selon les catégories que l’on considère. Il en résulte des contrastes trop marqués, au point de vue biologique, pour ne pas attirer l’attention. Tandis que les mollusques terrestres ou d’eau douce, par exemple, diffèrent fort peu, par l’aspect morphologique et le rôle qui leur est attribué, de ceux qui rampent sur le sol actuellement, le long des fleuves ou au bord des lacs, dans les régions attenantes au tropique ; que l’on recueille, en un mot, dans les lits crétacés, des hélices, des auricules et des bulimes, des physes, des limnées, des mélanies et des moules d’eau douce ; tandis que,

  1. Traité de géologie, 1re édition, p. 944.