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plantes terrestres, contemporaines de cette mer dont elles peuplaient les rivages, sont maintenant bien connues et elles attestent une grande originalité de formes. De même qu’en Bohême à la même époque, des araucarias et des cyprès de types inconnus s’y marient aux premiers magnolias, à des ménispermées, à des sumacs, à de savonniers, à des arbres feuillus dont il est difficile de préciser l’affinité véritable. Mais cette mer était elle-même destinée à s’éloigner peu à peu. On la voit rétrospectivement faire place à des eaux saumâtres, puis à des lagunes d’estuaire, finalement à des nappes dormantes, peut-être alimentées par les crues périodiques d’un courant fluviatile et à niveau variable selon les saisons et les années, aux allures rappelant celles du Nil et du Niger africains.

Ici, les documens abondent ; presque tous sont dus à la sagacité de M. Matheron, dont nous avons signalé plus haut les précieuses découvertes. Les lits de charbon, objet d’une vaste exploitation à Fuveau, à Gréasque, à Trets et à Gardanne, sont le produit visible d’une accumulation de végétaux décomposés, dont les débris s’entassaient au fond d’une eau pure et calme, exempte de limon et d’élémens détritiques. Le limon mêlé à des particules végétales et celles-ci associées à des mollusques fluviatiles se retrouvent dans les feuillets de charbon impur et les lits de calcaire argileux qui séparent les assises de combustibles : cette abondance de coquilles amies des eaux vaseuses marque bien la faible profondeur de ces eaux. — Quelles étaient les plantes qui peuplaient à ce moment la contrée ? La rareté des empreintes de végétaux terrestres par rapport à ceux des stations marécageuses engage à croire que les plages étaient alors basses et situées à l’écart, fréquemment inondées et probablement dépourvues d’autres plantes que celles, comme certaines fougères, qui croissent naturellement sur le bord des eaux. Un seul palmier, dont les feuilles reproduisent le type d’une espèce des Seychelles, et des fruits à tégument filamenteux, comparables à ceux qu’entraîne le Gange, sont jusqu’ici les uniques indices révélateurs de la végétation des parties littorales. En revanche, les plantes aquatiques, celles qui peuplaient les eaux tranquilles, ont laissé d’elles des traces assez multipliées, assez nettement caractérisées pour nous dévoiler à coup sûr l’aspect de l’ancienne lagune, sans doute cachée à perte de vue par un rideau pressé de végétaux à demi submergés. Nous avons nommé Rhizocaulées ceux de ces végétaux dont les traces reparaissent le plus souvent. Ils n’ont avec les plantes actuelles les plus voisines qu’une parenté assez lointaine : leurs tiges érigées, aux tissus lâches et parsemés de vides intérieurs, auraient bientôt fléchi, si elles n’avaient en la faculté d’émettre à diverses hauteurs des radicules qui, après avoir percé le fourreau des anciennes feuilles, descendaient au fond de l’eau et servaient