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Australie (araucaria excelsa), souvent plantée, presque naturalisée à Cannes, et à laquelle la disposition de ses branches régulièrement étagées imprime un caractère ornemental tout particulier. A l’exemple de ce qui existe chez l’araucaria, le walchia produisait le long de ses branches, des rameaux sans cesse renouvelés ; de plus jeunes, sortis récemment de bourgeons adventifs, prenaient la place des plus anciens qui tombaient de vétusté ; ceux-ci, naturellement caducs, ont parsemé de leurs débris les ardoises de Lodève alors en voie de dépôt. Or, des ramules épars de ces mêmes walchias ont été recueillis dans le permien rouge, soit aux abords de l’Estérel, soit aux environs de Fréjus. Bien plus, tout récemment des enfans intelligens et chercheurs, ceux d’un ancien ministre plénipotentiaire que le souvenir des services rendus à la France protège contre l’oubli[1], ont ramassé, en explorant le permien rouge non loin du Muy, le tronçon d’une tige de fougère arborescente (protopteris), reconnaissable aux cicatrices normalement distribuées des pétioles de ses feuilles. Le moule de ce tronçon, demeuré vide après la disparition de la substance végétale décomposée a dû former une cavité comblée ensuite par remplissage, à l’aidé d’un limon ferrugineux très fin et promptement consolidé. Ainsi, nous pouvons l’affirmer, l’île de médiocre étendue, à laquelle se réduisait alors toute la Provence, était boisée de walchias et, à l’ombre de ceux-ci, s’élevaient de grandes fougères, assimilables par le port et l’aspect, sinon absolument pareilles à celles qui peuplent à Cannes le gracieux vallon de la villa Saint-Jean. D’une grâce incomparable celles-ci forment une décoration assurément digne du prince qui en a conçu l’idée ; il aura heureusement réussi à faire renaître, dans un étroit espace, mais sur les mêmes lieux et dans des conditions exceptionnellement favorables, l’image rendue à la vie d’un passé qu’on aurait pu croire à jamais évanoui.

Que pouvait être la mer contemporaine du trias ? — Les strates puissantes qui représentent la partie ancienne de ce terrain et qui se lient inférieurement au permien rouge vers l’Estérel, méritent en Provence comme ailleurs, et particulièrement dans les Vosges, le nom de « grès bigarré » qui leur a été appliqué. Ce sont des lits de grès purement siliceux, de grès marneux et d’argiles ferrugineuses, bleuâtres, grisâtres, rougeâtres, versicolores, alternans et entremêlés. Leur composition purement détritique dénote des érosions exercées sur une très grande échelle et dont les élémens furent visiblement empruntés aux terrains primitifs, alors les seuls

  1. Nous voulons parler de M. de Geoffroy, ministre plénipotentiaire en Chine et au Japon, sous le gouvernement du maréchal de Mac-Mahon.