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particulièrement la France) présentent les élémens du même genre de tableaux, plus éclatans ou plus effacés, selon les lieux que l’on choisit et l’abondance relative des documens à interpréter, comme s’il était question de choisir entre des drames ou des féeries dont les décors et la mise en scène seraient plus ou moins éblouissans.

Deux contrées françaises, par-dessus toutes, paraissent privilégiées à cet égard, par la raison bien simple que leur autonomie acquise de très bonne heure s’est longtemps conservée intacte dans le cours des âges. Toutes deux, d’abord insulaires, puis graduellement accrues, finalement soudées à la masse principale du continent européen, ont éprouvé d’âge en âge des changemens de toute nature dont leur sol recèle fidèlement le secret. La mer ou les lacs, l’action des eaux thermales ou celle des feux souterrains, les lagunes plates encombrées de verdure, les steppes desséchées et sableuses, les forêts profondes couvrant les plaines et remontant la croupe des montagnes ont tour à tour pris possession de ces deux terres, exercé sur elles leur influence, et leur ont imprimé les aspects les plus divers, les contrastes les plus frappans, sans qu’il soit besoin, pour constater la succession de tant de phénomènes, de s’écarter du périmètre étroit que mesurent quatre ou cinq de nos départemens réunis. La Provence et l’Auvergne ou « île centrale » sont ces deux terres également curieuses à observer. Séparées maintenant l’une de l’autre par la vallée du Rhône, jadis par un bras de mer, marquées de traits communs, mais ayant en des destinées différentes et des événemens qui leur sont propres, elles méritent, par cela même, d’être l’objet chacune d’une étude spéciale, et leurs annales comportent une double histoire. Nous commencerons par celle de la Provence.


I

En jetant les yeux sur une carte de Provence, on voit, à partir du cap Sicié, la côte s’infléchir, se creuser, devenir sinueuse et capricieusement découpée. Non-seulement elle donne lieu aux rades de Toulon et d’Hyères, aux plages dentelées de Bormes et de Cavalaire, au golfe de Grimaud ; mais elle projette au sud un archipel, celui des îles d’Hyères, au moyen duquel la Provence atteint et dépasse quelque peu le 43e degré de latitude. Au-delà, c’est-à-dire à la hauteur de l’embouchure de l’Argent, la côte se replie et remonte vers le nord. Le périmètre dont nous venons de suivre les limites littorales est borné à l’intérieur des terres par la petite chaîne des Maures, qui court de la Garde-Freynet à Pignans ; le long de la plage, la région ainsi déterminée est le plus souvent abrupte, semée d’anfractuosités, d’accidens anguleux ou même coupée à pic,