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Pour tranquilliser la cour de Rome, qui se plaignait d’être menacée, on froissait le sentiment italien. Il était difficile de remplir une tâche plus ingrate. La convention, qui devait tout concilier, devenait une source de récriminations. Elle troublait nos rapports avec l’Italie sans nous assurer l’appui et la reconnaissance du pape. Mieux eût valu évacuer les états pontificaux spontanément en nous réservant notre liberté d’action, que de nous exposer à d’acrimonieuses controverses. L’empereur s’était de gaîté de cœur engagé dans un cercle vicieux : il affirmait qu’il ne laisserait pas prendre Rome, et en même temps il discréditait le pouvoir temporel en le proclamant à la fois indispensable et détestable. Tout craindre, tout espérer, ménager tout le monde sans s’engager formellement avec personne, manquer toutes les occasions et se persuader qu’on est habile parce qu’on réserve l’avenir, telle était notre politique.

L’apparition d’un général français à Rome, inspectant les troupes du saint-siège et leur adressant des allocutions à double entente, n’était pas, il faut le reconnaître, un acte de sagesse. Le gouvernement italien ne manqua pas de relever l’incident et de faire ressortir ce qu’il avait d’équivoque, de blessant. Il le considérait comme une infraction à l’esprit et au texte de la convention de septembre ; il soutenait que parmi les volontaires enrôlés se trouvaient quantité de soldats et d’officiers appartenant encore à l’armée française. Il prétendait que le gouvernement impérial violait nos lois militaires, qui ne lui permettaient pas de détourner nos effectifs au profit de l’étranger. Il se prévalait du mandement de l’évêque d’Avranches, qui disait à son clergé : « Nous sommes autorisés à vous demander cette propagande religieuse et patriotique, » pour prouver que nous avions transformé nos curés en recruteurs de l’armée pontificale. Pour le gouvernement italien, il n’était pas douteux que les soldats du pape étaient des soldats français déguisés, et que nous cherchions à perpétuer l’occupation.

Des notes et des explications déplaisantes furent échangées. Les ministres n’ont jamais de collaborateurs lorsque le succès couronne leurs efforts ; ils en ont toujours pour pallier leurs erreurs. M. Ratazzi s’en prenait à M. Nigra de ses mauvais rapports avec la France ; il lui reprochait la mollesse de son attitude, il trouvait que la familiarité de ses relations avec les Tuileries et le Palais-Royal nuisait à son autorité diplomatique. C’était méconnaître son habileté et son patriotisme. Son poste était l’objet d’ardentes convoitises et sa rapide fortune servait d’argument à ses détracteurs. Il était question de son rappel, on parlait aussi de celui de M. de Malaret. Le président du conseil se plaignait de l’intimité de notre envoyé avec les consortistes, les membres de l’ancien cabinet ;