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conférence de Londres, bien qu’elle n’eût aucun titre pour réviser les actes de 1830, relatifs à la Belgique, intervenus à une époque où elle n’était qu’une expression géographique. Il tenait à lui assurer, par sa participation à l’œuvre de la paix, la consécration de grande puissance et la sanction implicite des faits accomplis dans la péninsule. Peut-être aussi ne voulait-il pas, par une politique de ressentiment, révéler ses désenchantemens et reconnaître l’irréparable faute qu’il avait commise en présidant à l’alliance de 1866 qui rivait l’Italie à la Prusse. Il espérait sans doute, en redoublant de prévenances, dissiper les préventions que la France soulevait au-delà des Alpes, donner de la force à ses partisans et empêcher la politique italienne de servir d’instrument au cabinet de Berlin. Au point où en étaient les choses, c’était le parti le plus sage ; ce n’est pas par de mauvais procédés qu’on ramène les amis infidèles. Mais Rome, malgré toutes les protestations de bonne entente, n’en restait pas moins l’insurmontable obstacle à tout rapprochement sincère.

Si Napoléon III, au lieu de se prêter à la violation du traité de Zurich et de laisser péricliter son armée, avait eu cinq cent mille hommes sous la main, la question romaine ne se serait pas « ouverte, » elle serait restée « latente, » à l’état de rêve. Frédéric II répondait à son envoyé à Londres, qui lui demandait une voiture et des chevaux pour représenter dignement son souverain : « Allez à pied ou en voiture, cela ne fait rien à la chose ; je n’ai pas d’argent à vous envoyer pour acheter un carrosse. Mais rappelez-vous bien que vous devez toujours tenir le langage d’un agent qui a derrière lui deux cent mille hommes et Frédéric II à leur tête. »


III. — LA COUR DE ROME ET LA CONVENTION DU 15 SEPTEMBRE 1864.

La convention du 15 septembre avait eu à la cour de Rome le plus douloureux retentissement. La curie l’avait interprétée comme une œuvre de damnation inspirée par la plus noire perfidie. Elle n’avait tenu aucun compte des nécessités qui avaient présidé à sa signature ; elle avait méconnu la loyauté des sentimens de l’empereur ; elle l’accusait de livrer Rome à la révolution. Pour le Vatican, Napoléon III, c’était l’ennemi.

Pie IX, cependant, à son avènement au trône pontifical, n’avait pas craint de caresser la fibre nationale et de donner le branle aux passions qui couvaient au fond des cœurs. Il avait laissé entrevoir une papauté libérale et italienne ; il avait appelé Rossi dans ses conseils ; comme Jules II, il s’était écrié : Fuori i barbari ! S’il avait eu l’esprit politique de son successeur, qui sait si la convention de Paris n’eût pas été entre ses mains une arme de défense et de salut ? Léon. XIII a montré ce que peut, une haute raison consacrée à une