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représentées et patronnées surtout par M. George ont été le point de départ, nous n’avons guère envisagé encore qu’un côté de la question. Nous nous sommes presque exclusivement borné jusqu’ici à enregistrer les sympathies, les adhésions au principe du collectivisme agraire, les enrôlemens dans des sociétés décidées à en poursuivre l’application. Il nous reste à parler des résistances que cette propagande a rencontrées, de l’opposition qu’elle a provoquée.

Dans la masse du public, si l’on excepte toutefois les groupes d’ouvriers avancés, le nouvel évangile n’a été reçu qu’avec incrédulité. Dans la plupart des cas, on s’est contenté de hausser les épaules. L’idée que l’état pourrait dépouiller les propriétaires fonciers, grands et petits, sans avoir à les indemniser ni même à s’excuser de la liberté décidément bien grande dont il userait à leur égard, n’entrait pas dans les esprits. On ne discutait pas : on tenait une pareille inspiration pour un rêve insensé ou criminel.

Il y a eu pourtant, au milieu de cette résistance sommaire, une autre sorte de réponse à M. George et à ses amis. On leur a fait l’honneur de les combattre avec les armes de la discussion, et l’on ne pouvait faire moins. Laisser dire sans répliquer autrement que par un dédain transcendant ne réussit pas toujours. Il y a des personnes intéressées à interpréter ce silence dans le sens d’un aveu d’impuissance. Il convenait donc de disséquer l’argumentation des socialistes agraires et, pour diminuer la prise qu’elle peut avoir sur certains esprits, d’en montrer la valeur exacte. Elle a des points faibles et qui ne supportent pas l’examen, soit ; mais quels sont-ils ? Et, d’autre part, dans ce tissu d’exagérations et d’utopies, ne trouverait-on pas peut-être quelques idées justes, l’indication de quelques abus réels qu’il faut combattre, de quelques réformes pratiques qu’il faut effectuer ? Voilà ce qu’il y avait lieu de rechercher.

C’est ce qui a été fait par toute une armée de conférenciers et de publicistes et souvent d’une manière extrêmement complète et dans le meilleur esprit.

Nous avons devant nous quelques-unes des études critiques dont les doctrines préconisées par M. George et son école ont été l’objet. Nous aimerions nous y arrêter un peu longuement, car elles constituent une lecture des plus instructives, mais on comprendra que nous ne puissions songer à en donner une idée détaillée. Ce serait un livre à écrire sur la matière. Qu’il nous suffise d’indiquer les points qui, dans cette discussion, ont été le mieux mis en lumière. Ils se ramènent à six.

Premier point. — Le problème a été mal posé. Il n’y avait pas lieu de se demander pourquoi la pauvreté s’aggrave à mesure que le progrès poursuit ses conquêtes, parce que cela n’est pas. On n’est