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Charles VII de France, fut terminé en 1450 ; il avait la forme des «  sépultures des rois et enfans de France, par figures et représentations. » Aujourd’hui, il n’en reste que des fragmens : la statue couchée, qui, d’après les recherches de M. de Champeaux, est l’œuvre de Jean de Cambrai (mort en 1438), les statuettes qui sont l’œuvre de Paul Mosselmin, le sculpteur des stalles de la cathédrale de Rouen, et d’Etienne Bobillet. Ces statuettes sont de tout point inférieures à celles du tombeau de Philippe le Hardi. La plénitude des formes, qui distingue le style de Sluter, a fait place à la maigreur et à l’afféterie. Cherchez bien sous ces draperies, vous ne trouverez que des membres grêles, à peine modelés ; c’est un art tout à la surface ; c’est l’affectation de la vie et du mouvement plutôt que la vie et le mouvement eux-mêmes.

Avec le mausolée de Jean sans Peur, nous revenons à Dijon. Ce monument, commencé en 1444 par les soins de Philippe le Bon, est l’œuvre d’un Espagnol, Jean de la Vuerta, assisté de Jean de Drogués et d’Antoine de Moiturier. Le fait seul d’avoir employé un sculpteur originaire de l’Espagne, pays de tout temps si arriéré, montre à quel point les Mécènes français du XVe siècle ignoraient les principes de la renaissance. Le monument, exposé au musée de Dijon en compagnie du chef-d’œuvre de Sluter, nous révèle en outre la prompte décadence de l’école bourguignonne après la mort de son fondateur.

Charles, duc de Bourbon, gendre de Jean sans Peur, s’inspira à son tour du modèle créé par Claux Sluter, dans le tombeau qu’il fit préparer, en 1448, pour lui et pour sa femme, à l’abbaye de Souvigny, dans le département de l’Allier. Il fit appel à un artiste de Montpellier, nourri, très certainement, dans la tradition de l’école bourguignonne, Jacques Morel, récemment mis en lumière par M. Courajod, dont les recherches ont fait faire un si grand pas à l’histoire de la statuaire française du XVe siècle. Les têtes du duc et de la duchesse de Bourbon sont trop mutilées pour qu’il soit facile de nous rendre compte des qualités de l’exécution. Nous nous bornerons à constater que les yeux sont d’un dessin pauvre et dur, sans expression aucune. Quant aux draperies, dans le manteau qui recouvre le duc, elles sont souples, abondantes, on serait tenté de dire vivantes, tout comme dans les meilleurs morceaux de Sluter. Chez la duchesse, elles laissent plus à désirer : les plis, trop nombreux et, disons-le bien franchement, trop disgracieux, de la partie inférieure de la robe, forment une dissonance avec le corsage si raide qui emprisonne la taille. Chez l’un et l’autre, en résumé, la recherche du mouvement l’emporte sur celle du rythme.

La conception de ces monumens est de tous points opposée à