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le général Middleton, qui les encourageait du geste et de la voix, eut sa tunique traversée d’une balle : « Debout ! tenez-vous debout ! cria-t-il à ses soldats ; si je m’étais baissé, la balle me frappait à la tête. » Encouragés par son exemple, les soldats, se déployant en tirailleurs, abordèrent l’obstacle. Le capitaine Clarke marchait en avant. Le feu des demi-blancs redoubla. Frappé d’une balle, le capitaine Clarke tomba ; le désordre se mettait dans les rangs des assaillans quand le général fit avancer deux batteries d’artillerie sous les ordres du capitaine Peters et commanda un mouvement général pour forcer le passage et franchir le défilé. Riel et Dumont suivaient d’un œil attentif les manœuvres de leur adversaire. Devinant son intention, ils ramenèrent en arrière le gros de leurs troupes, laissant ordre aux tirailleurs de ralentir leur feu pendant quelques instans, mais de tenir bon dans leurs rifle pits et de viser surtout aux chevaux. Les chevaux, blessés, affolés dans cet espace restreint, jetaient le trouble parmi les troupes et paralysaient le mouvement des batteries. La colonne avançait péniblement, prise en flanc par le feu des tirailleurs, se heurtant de front aux défenses improvisées que Dumont avait fait élever en hâte pour barrer la route. Les troupes faiblissaient ; un désastre était imminent.

La journée s’avançait. Middleton envoya prévenir lord Malgund, qui remontait le cours de la rivière sur l’autre rive, de lui amener des renforts. Lord Malgund, entendant le bruit de la fusillade, avait compris que son chef était aux mains avec l’ennemi ; les détonations de l’artillerie lui donnèrent à penser que l’engagement était sérieux. Suspendant sa marche, il avait fait préparer les chalands pour traverser la rivière en cas de besoin. Avisé du danger que courait la colonne de gauche, il embarqua en hâte une compagnie du 10e régiment, en prit le commandement, donna ordre à deux autres compagnies et à la batterie de campagne de venir les rejoindre, et, après une marche de 1 kilomètre pour prendre l’ennemi en flanc, il vint prêter main-forte à l’avant-garde. Ce renfort permit au général Middleton de reprendre l’offensive. Maître des deux côtés du défilé, il entendait écraser l’ennemi entre deux feux. Le combat durait depuis le matin, mais, cette fois, les troupes ressaisissaient l’avantage. Cernés dans le défilé, Riel et les siens semblaient perdus. Ils n’en continuaient pas moins la lutte sans faiblir. Leur tir, aussi sûr, portait aussi juste. L’artillerie de leurs adversaires tirait à mitraille, mais ils tenaient toujours dans leurs rifle pits. Leurs rangs étaient éclaircis, mais ceux qui restaient chargeaient et déchargeaient leurs carabines avec la même précision, sans se lasser, sans se presser, jetant bas tout ennemi qui se montrait à découvert.

À cinq heures du soir, le général Middleton, convaincu de l’inutilité de ses efforts et redoutant, à la tombée de la nuit, un mouve-