Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le prince Gortchakof, en face de la Prusse menaçante, et il nous promettait d’agir en conséquence. Le marquis de Moustier n’avait pas à regretter ses franches explications.

Le 4 novembre, l’empereur d’Autriche, après une journée de chasse passée à Compiègne, quittait le sol français et, le 7, il faisait une rentrée triomphale à la Burg. Il revenait dans ses états avec le prestige d’un éclatant succès. Son voyage, au lieu d’être un simple acte de courtoisie, s’était transformé en un événement politique. Il fallait le récit des manifestations enthousiastes qui, partout en France, éclataient sur son passage pour qu’à Vienne on en comprît la signification. Les ministres de Prusse et de Russie ne dissimulaient pas leur dépit. La diplomatie russe surtout, à en juger par l’aigreur de ses propos, appréhendait que la politique française, si impressionnable et si mobile, n’eût fait une nouvelle évolution. « Il parait, disait le comte de Stakelberg, que depuis que Beust est à Paris, les Turcs ont toutes les vertus, et qu’au lieu de les tancer, on ne leur décerne plus que des éloges. »

Les conjectures des chancelleries étrangères étaient autorisées. François-Joseph avait été en France l’objet d’ovations significatives. On l’avait reçu comme l’hôte préféré, comme un allié, avec la certitude qu’au jour des épreuves il combattrait à nos côtés ; ses ressentimens semblaient s’être confondus avec les nôtres. Aucun des souverains qui l’avaient précédé n’avait été fêté avec plus d’éclat et de cordialité démonstrative. On eût dit qu’on reconnaissait la faute commise en ébranlant la monarchie autrichienne, et qu’on prenait le solennel engagement de consacrer désormais toutes ses forces à les réparer.

Le discours de l’empereur François-Joseph à l’Hôtel de Ville eut un immense retentissement[1]. On se plut à l’interpréter comme un gage donné à l’indissoluble entente des deux pays. Si les secrets

  1. Discours de l’empereur François-Joseph en réponse au toast de l’empereur Napoléon. — « Lorsque, il y a peu de jours, j’ai visité à Nancy les tombeaux de mes ancêtres, je n’ai pu m’empêcher de former un vœu : Puissions-nous, me suis-je dit, ensevelir dans ces tombes confiées à la garde d’une généreuse nation toutes les discordes qui ont séparé deux pays appelés à marcher ensemble dans les voies du progrès et de la civilisation I Puissions-nous, par notre union, offrir un nouveau gage de cette paix sans laquelle les nations ne sauraient prospérer. Je remercie la ville de Paris de l’accueil qu’elle m’a fait; car, de nos jours, les rapports d’amitié et de bon accord entre les souverains ont une double valeur lorsqu’ils s’appuient sur les sympathies et les aspirations des peuples. »
    Réponse de l’empereur d’Autriche aux félicitations de la municipalité de Vienne à son retour de Paris. — « Les sympathies que partout j’ai rencontrées en France s’appuient principalement sur la conviction que l’Autriche, qui a acquis une nouvelle vigueur par son union à l’intérieur, reprendra la position qui lui appartient, et que c’est en conséquence dans la paix que nous devons chercher sa force. »