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et cheveux plats; et, chez les sectaires, le bonnet rouge. Il semblait qu’être poli fût devenu un crime contre l’égalité. La résignation, les habitudes de subordination, et surtout cette douceur de mœurs que l’éducation du XVIIIe siècle avait apportée à la haute bourgeoisie, créaient un obstacle de plus à l’effort tenté pour arracher le pays à la plus horrible tyrannie. La Terreur avait si bien réduit, dans le monde bourgeois, tous les mobiles d’action au sentiment unique de la conservation personnelle, que les enfans dont les parens avaient été exécutés n’osaient pas porter le deuil ou laisser voir le moindre signe d’affliction.

Cependant, lorsque la mise en accusation des girondins eut fait disparaître la dernière limite entre la lumière et les ténèbres, lorsque leur exécution eut livré la France aux démagogues, la majorité des administrations départementales, composée encore de patriotes honnêtes et de propriétaires, s’était soulevée. Un cri d’indignation avait éclaté. Les bourgeois des villes, réunis dans leurs sections, avaient provoqué ou soutenu les arrêtés énergiques de leurs administrateurs, mais ils n’avaient pas été suivis. Les campagnes ne connaissaient pas l’éloquente Gironde. Cette élite, qui nous a tant intéressés, n’était qu’un état-major. L’organisation lui faisait défaut.

Les femmes de la bourgeoisie avaient, de leur côté, révélé des vertus qui consolent l’humanité. L’une d’elles, Mme C.., noble de cœur, douée, comme Mme Roland, d’un esprit élevé et d’une grande fermeté de caractère, avait offert asile à un girondin proscrit, Pontécoulant. Elle ne le connaissait pas, elle ne l’avait jamais vu. Mais le jeune député avait adopté, comme elle, avec ardeur, les principes de la constituante. Il avait résisté courageusement à l’anarchie et aux mesures sanguinaires, cela suffisait pour le rendre sacré aux yeux de la vaillante femme. « Il y va de la vie, dit Pontécoulant, qui franchissait le seuil. — Qu’importe ! répondit-elle, la vôtre est utile à la patrie, et je la sers en vous sauvant. — j’étais donc attendu? — Non, pas vous; mais j’avais fait vœu, dans la fatale journée du 31 mai, de sauver un proscrit, si le ciel m’en envoyait un, et j’étais sûre qu’il exaucerait ma prière. »

C’est ainsi qu’étaient trempées ces âmes féminines ; nous pourrions citer bien d’autres exemples. Cependant elles conservèrent de ces émotions un ébranlement dont elles ne se remirent jamais. Plus tard, dans leurs conversations, dans leur correspondance, chaque fois que les mots de jacobin et de terroriste revenaient sous leur plume ou sur leurs lèvres, c’était avec des imprécations qu’elles les écrivaient on les prononçaient. Elles avaient été courbées par ces événemens d’une force irrésistible. La mélancolie et la vieillesse entrèrent de bonne heure dans leur vie. On était gai jadis;