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de Jérusalem au VIIIe siècle, l’inscription de Siloé, nous montre un caractère déjà fatigué, affectant les lignes courbes, tournant au cursif. La matière sur laquelle on écrivait était probablement le papyrus préparé, ou charta, importé d’Lgypte. La forme du livre ou du document un peu étendu (sépher] était le rouleau. Le moment où l’écriture devient ainsi très commune et où la matière sur laquelle on écrit cesse d’être d’un prix élevé est presque toujours un moment littéraire important. On se met à écrire une foule de choses qu’on n’avait pas encore fixées; on rédige ce pour quoi la tradition orale avait suffi jusque-là. C’est le moment des compilations et des recueils. En Orient, nous l’avons dit, recopier, c’est toujours refaire. La plupart des documens de l’ancienne littérature hébraïque reçurent ainsi, vers le temps d’Ézéchias, de profondes modifications.

L’histoire sainte unifiée s’arrêtait, comme le récit élohiste et le récit jéhoviste, à la conquête de la Palestine par Josué et au partage de la terre entre les tribus. Cette histoire avait un caractère essentiellement religieux, et toujours elle eut son cadre à part. Mais l’esprit essentiellement historique d’Israël ferait désirer aux gens quelque peu réfléchis de savoir ce qui se passa ensuite. De Josué à l’établissement de la royauté, s’écoula un long intervalle où Israël n’eut que des sofetim intermittens ; c’était l’âge héroïque de la nation, le commencement de l’histoire proprement dite. Le Iaschar, ou livre des Guerres de Iahvé. contenait sur ces temps des renseignemens inestimables, des chants d’une facture toute primitive, des aventures d’un rare intérêt. Racontées à un point de vue profane et sans but d’édification, ces vieilles histoires avaient un charme qui captivait tout le monde. Il n’y avait qu’à les extraire. C’est ce que fit l’auteur du livre des Juges. Il retoucha très peu le vieux texte, n’y ajouta presque rien, retrancha sans doute aussi peu de choses. Ainsi, un trésor nous est parvenu, un texte du IXe ou Xe siècle avant Jésus-Christ, à peine corrigé par les scribes postérieurs.

Les récits des Guerres de Iahvé et les chants du Iaschar allaient, selon nous, jusqu’à l’avènement définitif de David à la royauté de Jérusalem. Ces récits du temps de Saül et de la jeunesse de David ont formé le fond des livres dits de Samuel ; mais ici, des élémens d’autre provenance ont été mêlés ou ajoutés: d’une part, des pièces et des fragmens des mazkirim du temps de David ; de l’autre, des pages de beaucoup moindre valeur, tirées de Vies de prophètes et d’autres écrits tout à fait légendaires.

De In sorte, les parties essentielles des grandes compositions narratives du Xe siècle entrèrent dans des compositions plus récentes. Le Iaschar, les Guerres de Iahvé, les Légendes patriarcales du Nord furent dépecés en quelque sorte au profit d’arrangemens postérieurs.