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l’élohiste : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre... » Pour toute l’histoire des origines de l’humanité, l’unificateur garda le cadre de l’élohiste, en y insérant de longs morceaux du jéhoviste; si bien que l’on peut dire que les premières pages de l’élohiste, jusqu’à l’entrée en scène d’Abraham, nous ont été conservées entières. Les six premiers fragmens élohistes, en effet, mis à la suite les uns des autres, font une narration complète, ce qui n’a pas lieu pour les fragmens jéhovistes ; on sent entre ceux-ci des lacunes considérables. Il semble que, dans l’esprit de l’unificateur, la rédaction élohiste avait une certaine primauté, comme rédaction particulièrement juive et hiérosolymitaine ; son plan était de la compléter au moyen de l’autre rédaction. Seulement, il est arrivé que les supplémens ont dépassé en étendue et en importance le texte qu’il s’agissait d’amplifier.

La partie législative était représentée, dans le texte unifié, par le livre de l’Alliance, conservé intégralement, et par le Décalogue, tel qu’il est dans l’Exode. Il n’est sûrement pas impossible que quelques-unes des prescriptions présentées comme révélées par Dieu à Moïse, et qui font partie des Pandectes lévitiques, fussent dès lors introduites dans l’Histoire sainte ; rien n’oblige cependant à le supposer. Il est probable que le temple avait quelques règlemens écrits, le code des lépreux, la liste des choses impures, par exemple; mais ces petits codes étaient distincts les uns des autres et non fondus dans l’Histoire sainte ; ils n’ont été réunis que plus tard pour former l’ensemble de lois sans unité qu’on peut appeler lévitiques. Le siècle d’Ézéchias était peu porté vers les pratiques rituelles. La casuistique, qui plus tard devait dévorer Israël, n’était pas née encore. Nous nous réservons de montrer, dans un autre travail, comment la partie législative, d’abord réduite à quelques pages dans l’Histoire sainte, prit sous Josias et lors de la restauration du culte après la captivité, d’énormes développemens ; comment, grâce au Deutéronome et aux Pandectes lévitiques, grâce surtout au changement qui s’était opéré dans l’esprit d’Israël, le livre des légendes sacrées devint principalement un livre de lois et put, par une syllepse hardie, s’appeler la Thora.


V.

Le règne d’Ézéchias fut une époque de compilation littéraire[1] et de remaniement des textes antérieurs. L’écriture était devenue en Judée d’un usage tout à fait ordinaire. Les arrêts de la justice se rendaient par écrit. Le spécimen que nous avons de l’écriture

  1. Prov., XXV, 1.