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auquel était astreint tout aspirant aux fonctions pastorales. Il autorise la fondation de petits séminaires et il libère les grands de l’étroite garde où il les tenait. Il congédie ses juges ecclésiastiques, ce haut tribunal, cette cour royale qui recevait, avec les plaintes portées par le président de la province, tous les appels que lui adressaient les desservans molestés par leurs supérieurs. Il restitue à l’église des franchises qu’il déclarait contraires à la sûreté de l’état, il lui rend la liberté d’élever ses prêtres comme elle l’entend et d’exercer son autorité disciplinaire comme il lui plaît. Aux défiances, aux cris de guerre ont succédé les cantiques de paix. « On n’entend plus, comme disait le poète grec, la voix des trompettes d’airain. Dans les courroies ferrées des boucliers, les araignées établiront leur métier de tisserand, et la rouille va ronger les fers de lance et les épées flamboyantes. » Les plus altières volontés sont à la merci des circonstances. Nous ne savons pas si la Pologne, à bout de souffrances, partira prochainement Dour Monaco; mais en dépit de ses hautaines déclarations, M. de Bisaiarck, après s’être gorgé du sang noir de l’ennemi, a pris le bourdon du pèlerin et le voilà en route pour Canossa.

On avait répété cent fois qu’on n’attaquait pas, qu’on se mettait en défense. Les lois qu’on avait promulguées, on les disait nécessaires; il se trouve qu’on peut s’en passer, et on les défait aussi facilement qu’on les avait faites. A quoi donc ont servi tant de tracasseries, tant de mesures draconiennes, tant de paroisses privées de leurs pasteurs, et ces résolutions dont on ne voulait rien rabattre, ces superbes défis, ces menaces, ces colères tonnantes qui remplissaient de leur bruit la forêt de Thuringe et jusqu’aux vallées perdues des Alpes bavaroises? M. de Bismarck affirme que déjà, depuis deux ans, le gouvernement royal se proposait de faire quelque chose pour ses sujets catholiques; mais le chancelier n’accorde jamais que ce qu’on lui demande poliment, et les requérans n’étaient pas polis. Les pédagogues, les précepteurs de peuples qui savent leur métier attachent une grande importance aux manières. Quand l’enfant dit : Je veux ! on lui donne le fouet et on l’envoie se coucher; quand il rentre en lui-même et bénit la verge, on lui donne des images et des confitures.

La vérité est qu’on ne peut se brouiller avec tout le monde à la fois, et que, pour exproprier le Polonais, il faut se remettre bien avec le pape. Au surplus, en traitant avec lui par-dessus la tête de M. Windthorst et de tous les chefs du centre catholique, on espère désarmer l’opposition d’un parti très gênant dont on avait souvent à se plaindre. On se flatte même, dans les cercles officieux de Berlin, que ce parti, composé d’élémens hétérogènes, ne tardera pas à se désagréger, il s’était donné pour mission de défendre contre César les droits de l’église : du moment que l’église et César s’entendent, la coalition se