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plus puissante et plus obstinée la litanie de ses pèlerins et les réponses du peuple agenouillé le long des chemins. Glorieuse procession de printemps, qu’il eût fallu prolonger à travers des campagnes infinies, comme le pèlerinage de Tannhaüser! Sans doute, tel qu’il est dans le Pardon, l’effet est déjà considérable; justement il ne l’est que trop. Le musicien a tant grossi ses personnages qu’ils étouffent dans leur cadre. Sans revenir aux petites marches villageoises du Déserteur, on pouvait trouver en musique la vraie note paysanne, celle de George Sand, par exemple, dans ses romans champêtres. On pouvait faire un tableau de noce bretonne plus modeste, mais plus touchant, quelque chose comme le convoi de Louise, une fille de Bretagne aussi :


Quand Louise mourut dans sa quinzième année,
………………….
Ce n’étaient que parfums et concerts infinis,
Tous les oiseaux chantaient sur le bord de leurs nids[1].


Comme le Pardon de Ploërmel, un peu d’exagération et d’emphase gâte certaines parties de l’Étoile du Nord. Le librettiste de Robert, des Huguenots, du Prophète, a fini par le plus pauvre des imbroglios. Quel opéra comique, cette lourde machine, où rien n’est comique, sauf le style de M. Scribe ! Jamais, fût-ce dans certains récits de Guillaume Tell, pareil jargon n’avait été chanté. Après les airs d’officier, de voyageur, Scribe a trouvé l’air du pâtissier. Danilovitz, compagnon de Pierre le Grand, d’abord mitron, comme le tsar est d’abord charpentier, débite avec ses gâteaux des couplets de ce goût :


Amoureux vulgaires,
Vos feux ordinaires
Ne s’allument guères
Que pour quelques jours!

Pâtissier modèle,
Ma flamme éternelle
Et se renouvelle.
Et dure toujours !


On pourrait relever bien d’autres paroles dans le grand air de Catherine au premier acte ; dans les refrains militaires au second ; et ce mot dit par l’empereur : « Je ne permets à Pierre de perdre la tête que lorsque le tsar n’a plus besoin de la sienne. » Et cet

  1. A. Brizeux.