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représente à peu près ce volume de la loi de Iahvé, trouvé à propos par le prêtre Helcias[1], et qui fit une si forte impression sur le roi Josias. Volney, en particulier, insista sur cette donnée fondamentale, et proclama qu’une portion considérable de la Thora devait être rapportée aux années qui précédèrent la captivité. La nouvelle école allemande tira très bien les conséquences du fait reconnu par le bon sens français et à tort mis dans l’ombre par M. Ewald. Une découverte plus originale fut d’apercevoir le vrai caractère de ce qu’on peut appeler le code lévitique, comprenant ces lois, pour la plupart ecclésiastiques, qui occupent la fin de l’Exode, le Lévitique tout entier, une grande partie des Nombres et même de Josué. Ces lois, sauf quelques exceptions, sont postérieures à Josias, postérieures mêmes à la captivité. Elles se rattachent à un état de crise du sacerdoce qui commença aux essais de Josias pour centraliser le culte à Jérusalem, et qui arriva à son paroxysme lors de la restauration du culte après la captivité. Elles supposent une institution qui n’eut sûrement aucune réalité historique, ce tabernacle que Moïse est censé avoir construit pour préluder, huit cents ans d’avance, aux idées sur l’unité du lieu de culte.

Tout cela a été aperçu et déduit avec justesse. L’erreur de MM. Graf, Reuss, Wellhausen a été de vouloir rattacher le code lévitique à ce qu’on appelle le récit élohiste, et de faire des deux textes réunis un second Pentateuque qui serait venu, après la captivité, compléter l’ancien texte jéhoviste. C’est là une combinaison des plus malheureuses. Le récit élohiste et le code lévitique n’ont rien à faire ensemble. La prétention de rapporter à une époque presque rabbinique le récit de la création, le mythe de l’arc-en-ciel, les mythes ethnographiques de la Genèse, doit être abandonnée. Il y a aussi quelque exagération dans cette assertion de la nouvelle école que le Deutéronome, loin d’être une seconde loi, comme l’ont cru les traducteurs alexandrins de la Bible, est la première Thora. De l’aveu même de ces savans critiques, il y avait, avant Josias, des élémens de Thora, dont le Deutéronome n’est que le développement. Le mot de Deutéronome, bien qu’inexact, n’est pas aussi faux qu’on le dit. Le fait de placer la législation en question dans la plaine de Moab, au moment où le peuple va passer le Jourdain, suppose que l’on admettait une législation antérieure promulguée au Sinaï. Le Deutéronome cite des règlemens plus anciens, en particulier un petit code sur les lépreux que nous avons dans le Lévitique. La liste des choses impures est plus primitive dans le Lévitique que dans le Deutéronome; le Lévitique enfin diffère essentiellement du Deutéronome en ce qu’il manque d’unité. Ce sont des Pandectes, qui

  1. II Rois, ch. XXII.