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de Versailles. Le jour même, avant midi, la lettre des états fut communiquée à M. de Thulemeyer, pour être envoyée à Berlin. Un courrier partit le soir pour cette ville. Le 9 septembre, à huit heures du matin, le ministre prussien se rendit chez le grand pensionnaire et lui demanda de convoquer l’assemblée pour le lendemain. La réponse des états n’avait pas paru satisfaisante au roi son maître, qui faisait déposer un ultimatum. Le roi réclamait des excuses nettes, complètes, absolues; la révocation formelle des « résolutions injustes et erronées » prises à l’occasion du voyage de la princesse ; le châtiment sur sa réquisition « de tous ceux qui avaient participé aux offenses contre son auguste personne ; » l’invitation à son altesse royale de se rendre de suite à La Haye. Ces décisions devaient être prises dans le délai de quatre jours. « Tout le monde paraît persuadé que le mémoire de M. de Thulemeyer a été fabriqué à Clèves entre Mme la princesse et M. le duc de Brunswick, » disait à Montmorin M. Gaillard, chargé d’affaires de France en l’absence de l’ambassadeur. « Les grandes inondations peuvent s’effectuer en six heures, à ce que m’ont appris MM. Paulus et de Witt, membres de la commission de Woerden. »

Le 12, les états déclarèrent qu’on ne pouvait entrer en délibération sur la note de M. de Thulemeyer. L’envoi à Berlin de deux députés chargés de conférer avec le roi de Prusse fut résolu. Un dernier espoir semblait réservé aux patriotes. La Porte venait de rompre avec la Russie et la guerre se rallumait en Orient. « Voilà une nouvelle série qui s’ouvre dans le Levant, et qui pourra donner à penser à Sa Majesté prussienne, écrivait Montmorin à Bourgoing ; nous nous ressouviendrons du fond qu’on peut faire sur elle.» — « L’opinion du roi est que les états de Hollande ont fait tout ce qu’il était possible d’exiger d’eux pour apaiser le roi de Prusse, disait le ministre à Gaillard. Si ce prince, au mépris des réflexions les plus sérieuses sur ce qu’il va entreprendre, fait avancer ses troupes pour entrer dans la province de Hollande, Sa Majesté est résolue, comme allié, d’aller au secours de cette province. » Les troupes prussiennes avaient envahi le territoire des Provinces-Unies quand Montmorin écrivait ces lignes. Les pensionnaires venaient de se décider à quitter La Haye, où ils couraient risque d’être massacrés par les orangistes.


VII.

Le 12 septembre, le duc de Brunswick avait donné l’ordre de marche : les troupes prussiennes s’étaient ébranlées ; le duc, resté l’un des derniers à Wesel, avait passé le Rhin dans la soirée, sur un pont de bateaux, et s’était avancé sur Clèves. de nombreux