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traditionnelle de leurs pays. La situation géographique des Pays-Bas, leurs richesses proverbiales, leurs flottes nombreuses et bien équipées, leurs colonies étendues et prospères attiraient et justifiaient l’attention des grandes puissances. La constitution compliquée des provinces, leur jalousie réciproque, l’ambition des stathouders facilitaient le rôle actif des ministres de la France et de l’Angleterre.

Une série de fédérations, agissant les unes sur les autres par des rouages savamment construits, mais toutes jalouses de leur indépendance et de leur souveraineté : tel était en résumé l’état de choses établi le 23 janvier 1579, et connu dans l’histoire sous le nom d’union d’Utrecht. Les états-généraux, formés de députés représentant les sept provinces et nommés par elles, étaient souverains sur tous les points intéressant l’ensemble du pays. C’étaient eux qui déclaraient la guerre et qui faisaient la paix, qui envoyaient des ambassades et recevaient les ministres des autres puissances, qui votaient les impôts et administraient les finances dans leur rapport avec l’ensemble de la confédération, et pour subvenir aux frais de l’armée, de la marine, de la diplomatie.

Les états provinciaux, composés de membres délégués par les villes ou par la noblesse, étaient souverains pour tout ce qui regardait l’administration de la province, pour régler ses recettes et ses dépenses, mais sans avoir plus le droit de diriger les affaires intérieures de chaque ville que les états-généraux n’étaient autorisés à se mêler des affaires intérieures de chaque province. Les conseils ou régences des villes comprenaient des membres généralement nommés à vie et qui se recrutaient souvent eux-mêmes. C’étaient eux qui nommaient à tous les emplois, distribuaient toutes les charges, établissaient les budgets, jouissaient, dans la plupart des cas, du pouvoir exécutif et judiciaire, qu’ils confiaient à des bourgmestres et échevins pris dans leur sein ou parmi les familles patriciennes.

Est-il besoin de dire que cette machine politique était trop compliquée pour ne pas être sujette à de fréquens et graves accidens? Tout était ou pouvait devenir matière à conflit entre tant de souverainetés distinctes. Cependant, comme pour ajouter à de si nombreuses causes de difficultés et de désunion, la constitution reconnaissait m autre pouvoir encore et donnait au stathouder un rôle imparfaitement défini dans le maniement des affaires publiques. Les républiques pas plus que les monarchies ne peuvent se passer de soldats pour les défendre et de généraux pour conduire ces soldats à la bataille. La naissance des princes d’Orange, leurs alliances avec les maisons royales de l’Europe, leurs talens militaires, leur courage, les désignaient