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qui pèse sur nous, — qu’on ne résoudra qu’en revenant une bonne fois à de vraies idées, à de vraies conditions du gouvernement.

A quoi tient encore aujourd’hui la paix de l’Europe orientale, qui est la paix du monde ? Tout dépend, depuis quelques mois, de volontés si diverses, de circonstances si imprévues, d’intérêts si multiples, d’ambitions si impatientes et si promptes à jouer la sécurité universelle pour leurs fantaisies, qu’on serait souvent assez embarrassé de prévoir ce qui arrivera le lendemain. Tant qu’on n’aura pas définitivement le dernier mot de tous ces conflits orientaux qui entretiennent un état perpétuel de malaise et de crise, tant qu’on n’aura pas rétabli d’autorité ou par persuasion une paix telle quelle entre tous ces prétendans toujours prêts à se disputer des territoires qui ne leur appartiennent pas, on ne sera sûr de rien ; on peut s’attendre à tout. On flotte entre toutes les chances, entre toutes les contradictions. Un jour, toutes les apparences sont rassurantes ; ces états si agités des Balkans ont fini par entendre raison et par se soumettre à la pression de l’Europe, la voix publique le dit ; les négociations sont engagées partout et touchent au dénouement : c’est la paix ! — un autre jour, tout est changé. L’humeur belliqueuse s’est réveillée à Belgrade ou à Athènes, ou à Sofia, à Sofia toujours moins qu’ailleurs ; les armemens, au lieu de se ralentir, recommencent plus que jamais et les mobilisations redoublent. On n’a pas besoin des conseils de l’Europe et on ne tient compte de ses avertissemens ! Tout se prépare pour la fin de l’armistice : c’est la guerre encore une fois ! — C’est depuis quelques semaines surtout l’histoire de l’Europe, toujours placée entre des courans contraires qui sont assez factices. Ce qu’il y a de sensible à travers tout, c’est que si, dans certaines régions, les passions sont toujours disposées à rallumer la guerre, il y a, d’un autre côté, tout un ensemble d’efforts tendant au rétablissement définitif de la paix ; il y a, sur quelques points, ce qu’on pourrait appeler des négociations partielles, auxquelles la diplomatie des grands cabinets ne reste pas étrangère, au moins par ses conseils, que l’Europe n’aura qu’à sanctionner et à relier un jour ou l’autre, d’ici à peu, dans un acte définitif plus ou moins rattaché au traité de Berlin.

Que ces négociations fractionnées et ramenées à un objet précis ne soient pas des plus faciles, c’est assez visible. Il y a à Bucharest, en territoire neutre, une petite conférence qui jusqu’ici ne marche pas évidemment toute seule, où la Serbie, la Bulgarie et la Porte traitent assez laborieusement de leur paix particulière. La diplomatie, surtout la diplomatie des petits états, des états orientaux, a d’habiles temporisations et se joue en toute sorte de subterfuges. Ce n’est pas du premier coup que ces plénipotentiaires serbes, bulgares et turcs en sont venus à reconnaître mutuellement la régularité de leurs pouvoirs. En réalité, cependant, comme il est entendu qu’ils ne doivent ni toucher