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de la croisière en affirmant qu'ils étaient citoyens américains.

L'installation du haut-commissaire, muni de pouvoirs législatifs et exécutifs et assisté d’une cour, mettait virtuellement fin à l’intervention judiciaire des officiers de marine, ou pour mieux dire rendait cette intervention, encore que l’on continuât à la trouver nécessaire, épineuse, délicate et compromettante au point de vue des relations personnelles et officielles entre le commodore de la station navale d’Australie et le haut-commissaire. Ce grand fonctionnaire est d’ailleurs plus puissant en apparence qu'en réalité. Ses règlemens et ordonnances ont, il est vrai, force de loi, mais le maximum des peines qu'il lui soit permis d’infliger aux contrevenans n’est que de dix livres sterling ou de trois mois de prison ! Depuis la création des fonctions de haut-commissaire, aucun sujet britannique, quelque crime qu'il ait commis et si urgent qu'il soit de le punir dans l’intérêt du maintien ou du rétablissement de l'ordre public dans la localité, ne peut être atteint sans avoir passé par les formes d’un procès régulier. Vu les distances, la rareté et la difficulté des communications, cette procédure rend souvent illusoires les poursuites dirigées contre lui. En somme, en ce qui concerne les sujets anglais, les pouvoirs du haut-commissaire, faute de moyens exécutifs, restent partout et surtout dans les archipels peu visités, plus ou moins à l’état de lettre morte; et, d’un autre côté, à la suite de l’installation de ce haut fonctionnaire, l’intervention judiciaire de la marine a été, comme je l’ai dit, dans une certaine mesure, virtuellement annihilée.

En ce qui concerne les indigènes non sujets britanniques, la cour du haut-commissaire n’a pas le droit de s’occuper d’eux, mais elle peut empêcher les officiers de la marine royale, comme sujets britanniques, d’agir en dehors de leurs pouvoirs strictement légaux. Par conséquent, les commandans des bâtimens de la reine ne peuvent agir qu'en cas de guerre. En d’autres termes, le haut-commissaire, impuissant lui-même à intervenir efficacement, paralyse le concours de la flotte au double point de vue des blancs et des indigènes[1].

La commission d’enquête nommée par le gouvernement et dont sir Arthur Gordon était le principal membre, en arrive à cette conclusion : les dispositions actuellement en vigueur à l’effet de contrôler les sujets anglais, d’exercer la justice à leur égard dans les îles du Pacifique occidental, et d’empêcher les indigènes de commettre

  1. j’ai cité ici presque textuellement le rapport de la commission concernant les ordres en conseil.