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convulsions de la rage, jusqu’à enchaîner à un fil la puissance d’un fleuve et asservir cette force déréglée à des œuvres utiles.

Le mildew est une forme redoutable de la nuisance que peuvent exercer les êtres inférieurs et impalpables. On n’est pas fixé sur l’histoire de ce fléau. Il semblerait, au premier abord, qu’il nous vient d’Amérique, où il est rangé en tête des vine-pests les plus inquiétans ; mais en fouillant dans la mémoire des plus vieux vignerons français on trouve la trace d’une maladie qui a toujours existé et qui n’apparaissait que de loin en loin. En France, elle s’est appelée « le brûlé ; » en Suisse, en Allemagne, on trouve le nom de Mehlthau[1], mais tous ces souvenirs sont si vagues qu’ils semblent vouloir s’enfuir dès qu’on les renferme dans des questions nettement posées.

Dans les dernières années, ce parasite avait sévi principalement dans les pays où la viticulture américaine avait pris le plus d’extension. Mais, cette année, il a paru sur des points tellement éloignés des vignobles américains qu’il est vraiment difficile d’allonger jusque-là les conséquences du voisinage. D’Italie il a passé en Grèce, il s’est montré dans le Tyrol, en Allemagne ; en France, il a envahi les départemens les plus éloignés des centres américains, tels que l’Ain, l’Indre-et-Loire.

C’est sous l’influence de la chaleur et de l’humidité que le mildew se développe, c’est-à-dire qu’il ne se développe ni par l’humidité froide ni par la chaleur sèche. Il paraît donc suffisant de soustraire la feuille à cette coïncidence de chaleur et d’humidité, ou même à l’influence d’un seul de ces facteurs de malheur, pour repousser effectivement le mildew. C’est cette pensée qu’exprimait plaisamment M. Champin, quand il conseillait de donner un parasol à chaque souche et de prier le vent du nord de souiller sur le tout. Un badigeonnage de lait de chaux m’a semblé répondre à ce double but, soit de repousser les rayons solaires par la blancheur de la chaux et d’absorber l’humidité par la couche carbonatée qu’elle laisserait sur les feuilles, la première action remplaçant le parasol de M. Champin, la seconde le vent du nord.

Je parle comme toujours de la région de l’olivier et j’insiste sur la légèreté des brouillards de cette région pour expliquer comment le lait de chaux, employé seul à Saint-Benezet et en Italie, a donné des résultats affirmatifs sur ces deux points, et négatifs dans le Bordelais.

Par une singulière coïncidence, peu de jours après l’application de l’hydrate de chaux à Saint-Bénezet, M. Foëx, directeur de l’école

  1. Rosée de farine.