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sous un aramon à taille basse et courte ; on donne comme preuve l’amoindrissement de la végétation après la première année de greffe, mais ce fait s’explique par la mise à fruit aux dépens de l’accroissement du bois.

Étant donné que la greffe accélère la production du fruit, il faut admettre qu’elle crée aussi une disproportion entre la fertilité du système aérien et l’activité du système radiculaire, qui, au lieu d’une modification développant ses moyens, a subi une dépression par l’absence momentanée du système foliacé et une fatigue en soudant la greffe.

Je ne prétends pas nier des défaillances que d’autres affirment, mais les années seules pourront prononcer entre les pessimistes et les optimistes au sujet du riparia. Ce cépage, étant le plus recherché des porte-greffes, est nécessairement le plus attaqué ; il n’en est pas de même du taylor, d’abord parce qu’il est peu recherché et, ensuite, parce que depuis de longues années il a fait ses preuves en Amérique comme le meilleur des porte-greffes.

Le riparia n’est sorti des forêts, où il prospérait à l’aise, que grâce au sentiment de patriotisme illogique et mal placé de quelques Français qui, après avoir essayé de repousser la vigne américaine dans son ensemble, se sont retranchés dans la gloriole de découvrir à nouveau dans les bois ce même riparia que depuis des années le juge Taylor avait civilisé, et les premiers exemplaires, venus en France sous le nom de riparia (notamment dans la collection de M. Guiraud) sont identiques au plant que nous connaissons sous le nom de taylor, autrement dit : riparia sélectionné par le juge Taylor. Nous payons maintenant de nos terreurs cette orgueilleuse imprudence et l’engouement qui l’a suivie ; mais il est probable que le riparia, confiné aux terrains siliceux, profonds et naturellement drainés que son nom même indique, se montrera, à milieu égal, aussi sûr que son aîné le taylor ; il est même probable que quelques-unes parmi les trois cents et quelques formes de riparias reconnues par le docteur Despetis se montreront d’une adaptation plus générale que le taylor, à cause d’hybridations mystérieuses avec des cinereas et autres sauvageons[1].

Enfin, parmi les certitudes auxquelles il ne manque que la sanction des années, nous trouvons le sulfate de cuivre et le lait de chaux, qui se montrent aussi sûrs contre le mildew que le soufre

  1. Il faudra peut-être s’incliner devant la théorie des pessimistes touchant la disproportion mortelle que la greffe crée entre la fertilité et la nutrition des riparias greffés. Mais cette objection se réduira à une affaire de taille ; les vrais vignerons sauront bientôt maintenir la fructification des jeunes greffes dans les limites modérées qui n’épuisent pas les « francs de pied. »