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lieu, le commerce de la bijouterie sera fortement atteint pendant quelque temps ; les chambres syndicales de la bijouterie, de l'orfèvrerie, de la joaillerie et du commerce des pierres précieuses ne craignent pas de l'affirmer. Les ateliers, déjà fort clairsemés, par suite de la crise industrielle et commerciale, se videront encore davantage et nombre de malheureux se trouveront privés de tout moyen d'existence.

D'autre part, quels pourront être les acquéreurs de pareilles pierres ? Dans les momens de gêne, les particuliers riches restreignent leurs dépenses beaucoup plus que les petites bourses. Les viveurs qui, il y a vingt-cinq ans, jetaient l'or et l'argent par les fenêtres, n'existent plus aujourd'hui. Les Américains semblent, depuis deux ans, avoir abandonné le marché de Paris.

Parmi les états, on sait qu'il n'en existe qu'un qui en ce moment fait des achats considérables pour ses musées : nous voulons parler de l'empire d'Allemagne. Tout dernièrement encore, le gouvernement impérial faisait acheter à Londres, pour un de ses grands dépôts publics, une série de manuscrits que l'on payait comptant 1,875,000 francs. Pour la même somme, on pourrait se procurer la totalité de nos diamans historiques, en laissant de côté les pierres de la plus grande valeur marchande et toutes les perles, qui n'ont pas d'histoire. Croit-on que le chancelier de fer hésiterait une minute si, pour cette faible somme, il pouvait infliger à notre pays l'injure, qui flatterait singulièrement l'orgueil allemand, d'exposer à Berlin aux yeux de tous, avec leur ancienne étiquette, les diamans de la couronne de France ?


GERMAIN BAPST.