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vallées. L’insuffisance des constatations statistiques officielles, qui ne présentent pas ensemble les contenances et les valeurs, nous réduit a des conjectures sur la proportion de la petite, de la moyenne et de la grande propriété en France. Les observations que nous avons faites relativement aux cotes dont plusieurs dans la pratique, contrairement aux règlemens, se rapportent à un même propriétaire dans une même commune, rendent encore les conclusions plus malaisées. Néanmoins on doit approcher de la vérité en admettant que la petite propriété, celle au-dessous de 6 hectares, détient comme contenance le quart du sol français et en représente au moins le tiers, peut-être les deux cinquièmes en valeur, car certainement ces morceaux qui se trouvent surtout dans la banlieue des villes et des villages, dans les plaines et dans les vallées, ont à égalité de surface une valeur beaucoup plus considérable que les grands domaines, qui sont, d’ordinaire, loin des centres et en partie couverts de bois. Nous appellerons moyenne propriété, quant à la contenance, celle qui comprend les domaines de 6 à 30 hectares. Parfois 30 hectares peuvent représenter une grande valeur, dans le fond des vallées par exemple ; mais souvent aussi 50 à 60 hectares ne donnent qu’un revenu fort mince. Cette moyenne propriété couvre environ 30 pour 100 du sol français, mais elle doit bien représenter 35 à 40 pour 100 de la valeur. La grande propriété, celle au-dessus de 40 hectares, qui, cependant, est souvent encore une propriété indigente, détient 45 pour 100 environ du territoire et ne représente vraisemblablement que le quart de la valeur et du revenu du territoire français ; elle est surtout cantonnée dans les pays pauvres, éloignée des centres et elle contient une proportion considérable de bois et de terrains de montagnes. Encore doit-on dire que les biens des communes interviennent pour une proportion qui n’est pas négligeable dans cette grande propriété. Il est regrettable, sans doute, de ne pas arriver à des résultats plus précis et plus incontestables ; une opération générale et continue, comme la refonte du cadastre sur tout le territoire, pourrait seule conduire à des conclusions plus rigoureuses. A défaut de cet immense travail, il faudrait que les directeurs des contributions directes imitassent l’un des leurs, M. Gimel, qui a profité de son séjour comme chef de service dans quatre départemens successivement pour rassembler les élémens de très curieuses monographies, notamment sur les modifications, à des intervalles de vingt à trente ans, des cotes foncières dans les départemens du Gers et du Nord. Quoi que l’on puisse faire, d’ailleurs, on n’arrivera jamais, dans une matière qui est si changeante et compliquée de tant d’élémens divers, à une précision mathématique.