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le revenu net, c’est-à-dire le revenu locatif ; mais le petit propriétaire ne loue pas sa terre, en général, il la travaille ; il en tire un revenu brut qui est trois, quatre ou cinq fois plus considérable que le revenu locatif ; or, ce revenu brut lui échoit entièrement, puisqu’il n’emploie que ses bras et que ceux de sa famille. Il en résulte qu’une petite propriété payant 4 francs d’impôt, et correspondant à un revenu net locatif de 35 à 40 francs, peut rapporter au petit propriétaire qui la cultive 100 francs, 150 francs, parfois 200 ou même davantage. Cela, s’ajoutant au prix de ses journées, le met souvent tout à fait à l’aise. Ceux qui se récrient contre la propriété minuscule oublient presque toujours de faire cette distinction capitale entre le revenu net et le revenu brut. Une petite propriété qui ne rapporte que 150 ou 200 francs de revenu net peut faire vivre confortablement, avec quelques journées de travail au dehors, la famille de paysans qui la cultive.

Si l’on ne consultait que certaines enquêtes agricoles, le nombre des propriétaires ruraux serait singulièrement plus restreint que celui que nous avons indiqué. Ainsi, d’après l’enquête de 1873, il ne se serait trouvé en France, à cette époque, que 3,977,781 exploitations rurales, dont 2,826,388 soumises au régime du faire-valoir direct, 831,943 à celui du fermage, 319,450 à celui du métayage. M. de Foville fait remarquer avec raison qu’on a refusé le nom d’exploitation à toutes les propriétés exiguës qui se trouvaient au-dessous d’une limite superficielle qu’on a négligé de faire connaître. Ainsi, non-seulement les propriétaires de chaumières et de jardins, mais même ceux de terres labourables ayant une petite étendue, ont été laissés de côté. De tout temps, aujourd’hui comme sous l’ancien régime, les membres des comités des enquêtes agricoles ont manifesté beaucoup de dédain pour la petite propriété. Le recensement de 1881 n’indique que 4 millions environ de propriétaires ; mais on sait que ce recensement, fait d’après un plan beaucoup trop ingénieux et posant les questions les plus multipliées, ne peut être considéré que comme un indéchiffrable rébus.

L’administration des finances s’est livrée, dans ces dernières années, à un nouveau travail qui est relatif à l’étendue moyenne des cotes foncières. Il en résulte que cette étendue, qui était de 4 hectares 48 ares d’après le cadastre, est tombée à 3.98 en 1851, 3.75 en 1861, 3.62 en 1871 et 3.50 en 1881. En dehors de la Seine, où la superficie moyenne correspondant à chaque cote n’est que de 25 ares, les départemens où cette contenance est la plus petite sont le Nord, Seine-et-Oise et la Somme, où la moyenne de la surface par cote foncière s’élève à 1 hect. 67, 1 hect. 89 et 1 hect. 93. Les départemens où la propriété parait le moins divisée sont les Hautes-Alpes, la Corse, la Lozère, les Basses-Alpes, les