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classement des cotes foncières suivant le montant de l’impôt afférant à chacune d’elles : en 1876, on s’est livré à une enquête qui paraît avoir été mal exécutée. En 1858, on constatait que 50.97 pour 100 des cotes foncières payaient moins de 5 francs de contribution en principal et en centimes additionnels, ce qui représentait environ 40 à 50 francs de revenu, l’impôt foncier pouvant être considéré comme prélevant le huitième ou le dixième, en général, du revenu net, 15.36 pour 100 des cotes payaient de 5 à 10 francs : là s’arrête la très petite propriété ; 13.30 pour 100 de 10 à 20 fr. ; 6.26 pour 100 de 20 à 30 francs ; 5.78 pour 100 de 30 à 50 francs ; à partir de ce chiffre, nous entrons dans la propriété moyenne : 4.65 pour 100 des cotes foncières payaient un impôt de 50 à 100 fr., ce qui correspond à un revenu net approximatif de 400 francs à 1,000 francs ; 2.81 pour 100 acquittaient une taxe de 100 à 300 fr., ce qui indique 800 à 3,000 francs de revenu net. Ici commence ce que, avec nos idées démocratiques, nous appelons la grande propriété : 0.46 pour 100 du nombre des cotes payaient entre 300 et 500 francs d’impôt foncier ; puis, 0.29 pour 100 entre 500 francs et 1,000 francs ; enfin, la très grande propriété française, bien différente de celle de l’Angleterre ou de la Hongrie, était représentée par 0.12 pour 100 du nombre des cotes, guère plus de 1 millième, ou, en chiffres absolus, 15,000 cotes environ qui étaient chacune taxées pour plus de 1,000 francs d’impôt foncier, principal et centimes additionnels compris.

En lisant ces séries de chiffres, un certain nombre de personnes se récrieront et traiteront de dérision une propriété qui paie moins de 5 francs de cote foncière, c’est-à-dire qui rapporte au maximum une cinquantaine de francs de revenu net. La moitié des propriétaires français sont dans ce cas, on l’a vu. Est-il utile qu’il y ait ainsi des propriétaires indigens ? Ceux qui raisonnent d’une façon aussi sommaire font preuve de beaucoup d’ignorance. Leurs conclusions sont inexactes, parce que trois observations importantes leur échappent. D’abord, un grand nombre des petites cotes foncières représentent simplement des chaumières ou d’humbles maisons qui appartiennent à des paysans ou à des villageois, et encore quelques petits carrés de terrain destinés à des jardins potagers et fruitiers. Or personne ne contestera que ce ne soit un bien pour l’ouvrier le plus humble de posséder son foyer et quelques mètres attenant d’où il tire ses légumes, c’est-à-dire une bonne partie de sa subsistance. Ensuite, l’on oublie trop que ces propriétés naines ne forment qu’un des auxiliaires de l’existence de leurs modestes possesseurs. Enfin, il y a une troisième considération, plus importante encore : le revenu dont il est question plus haut, c’est