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déclarait récemment au sénat qu’il y a en France 14 millions environ de propriétaires. D’autre part, certains écrivains pessimistes affirment que le nombre n’en dépasse pas 3 ou 4 millions. Comment peut-il y avoir une si grande diversité d’appréciation sur un fait précis, qui paraît, au premier abord, susceptible de constatations exactes ? C’est que nos statistiques fiscales ignorent à proprement dire les propriétaires, elles ne connaissent que les cotes foncières, ce qui est tout différent. On confond souvent les premières avec les secondes ; le rapporteur du sénat dont nous citions plus haut l’opinion est tombé dans cette erreur. Le recouvrement des contributions directes s’opère dans toute commune par un rôle nominatif dont chaque article indique le montant des sommes dues par chaque contribuable. Or, une même personne peut posséder des immeubles dans plusieurs communes, même dans plusieurs départemens et payer ainsi plusieurs cotes. M. de Foville a donc raison de poser ces deux formules : « 1° il y a en France plus de propriétés que de cotes foncières, puisque la même cote doit comprendre les diverses propriétés qu’une seule personne ou un même ménage a dans la même commune ; 2° il y a en France plus de cotes foncières que de propriétaires, puisque la même personne est souvent propriétaire dans plusieurs communes et cumule ainsi plusieurs cotes. » La première formule, cependant, est parfois enfreinte dans la pratique : la règle théorique, qui veut que la même cote contienne tous les immeubles appartenant dans une commune à la même personne ou au même ménage, se trouve fréquemment violée par les percepteurs. Chaque article du rôle des contributions vaut à ces fonctionnaires une rétribution de 0 fr. 22, et cette modique somme suffit pour que beaucoup de percepteurs ne se hâtent pas d’inscrire sur une seule cote les contributions afférentes aux diverses acquisitions successives que fait un propriétaire dans la même commune. Une circulaire ministérielle qui obligerait ces agens à se conformer au principe de l’unité de cote par contribuable rendrait de grands services à la statistique. On comprend que, dans les conditions actuelles, les cotes foncières ne sont plus qu’un indice assez vague du nombre des propriétaires.

Depuis le commencement du siècle, le chiffre des cotes foncières s’est élevé rapidement jusqu’en 1875 : depuis lors, il a très légèrement augmenté jusqu’en 1882, et, à partir de cette année, il diminue. On comptait, en effet, 10,296,000 cotes foncières en 1826, 12,059,000 en 1848, 14,061,000 en 1875 ; on arrive au maximum, qui est de 14,336,000 cotes en 1882 ; on descend à 14,240,000 en 1883 et à 14,221,000 en 1884. Si l’on recherche la proportion au nombre des habitans, on constate qu’il se